Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

AGENCES DE VENISE ET DE PARIS (1792-1796). 99

ment de ses intérêts. Il y vécut, sous la protection de l'Espagne, puis de la Russie, secrètement reconnu, mais iguoré et dédaigné en apparence par un gouvernement légalement en paix avec la Convention. Il tenait le rôle à défaut du rang.

Arrivé à Venise en novembre 1793, il y loua une maison, et se donna comme le représentant du « roi de France ». Tout caractère officiel lui étant refusé, il devint, sous son titre espagnol, une sorte de secrétaire d'État du « régent », attirant à luila correspondance des agents royalistes en Piémont, dans les Deux-Siciles, en Toscane, l'abbé de Jons, le comte de Chastellux, l’abbé de Pons. Il fut surtout l'intermédiaire principal de la correspondance entre la cour de Madrid et ses agents de Paris, après que la guerre eut fermé hermétiquement la barrière des Pyrénées. Les lettres étaient adressées de France, tantôt à un habitant de Bellinzona ou de Mendrisio, tantôt directement à Venise à « Marco-Paolo Philiberti ». Le vaguemestre de la légation espagnole allait les prendre à la poste, où les inquisiteurs d'État avaient donné des ordres spéciaux pour leur remise immédiate. D'Antraigues les mettait en état d’être lues, et Las Casas, après en avoir pris connaissance, les transmettait, par Gênes, à Barcelone et à Madrid (1).

L'abbé Brotier et Sourdat, puis Lavilleurnois et Duverne de Presles, s'étaient joints à Despomelles et à Lemaître. Ils envoyaient de longues pages écrites en encre sympathique et quelquefois de plus en chiffres, couvertes de lignes apparentes en style jacobin et consacrées à des

(1) Tout le mécanisme de cette agence de Paris a été décrit par d'Antraigues dans des pièces qu'il rédigea bien plus tard, en 1809, lors de sa campagne, de concert avec Puisaye, contre d'Avaray. (4. F., France, vol. 628, fos 23 et suiv , vol. 641, [os 215-279.)