Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

104 CHAPITRE TROISIÈME.

La recommandation vint à point et porta ses fruits. Le 25 août 1795, Louis XVIII adressa au ministre russe à Venise, Mordvinov, une lettre où, avec l'autorisation de Catherine IL, il accréditait d’Antraigues auprès de lui. Le nouvel attaché recevait en même temps de Pétersbourg des lettres pleines d’éloges et de promesses ; on Jui laissait espérer, entre autres, ce grade de colonel dont il avait joui en France, et qui flaltait son amour-propre plus encore qu’un titre diplomatique (1)

Il pensait, en attendant, recevoir un accueil bienveillant de son nouveau chef, qu’il savait vivant assez retiré, en tête à tête avec une danseuse, comme lui-même avec l'ex-reine de l'Opéra. Mordvinov ne parut pas goûter cet auxiliaire inattendu ; il attendit quatre mois pour rendre régulière la fonction qu’il devait lui reconnaitre, et ne se résigna à le présenter au Sénat vénitien que le jour (11 avril 1796) où il dut demander en son nom un passeport pour Vérone (2). Les Vénitiens, de leur côté, firent des facons, et n’agréèrent le nouvel attaché qu'après l'avoir obligé à transporter, au moins momentanément, son domicile à la légation russe. D’Antraigues

— Asara à Froment, 2 mars 1796. (Lettre citée par Froment, dans ses Observations sur la Russie par rapport à la Révolution de France, p. 16, note.) ;

(4) Saint-Priest à d'Antraigues, 9 décembre 1796, 11 janvier 4797. (A. F.) — D'Antraigues à Mordvinov, 31 janvier 1797. (A. M.)

(2) Mordvinov, qui, au dire de l’envoyé français Lallemant (lettre au ministre Delacroix, floréal an II), faisait sur son compte des rapports peu avantageux, appréciait au moins en lui un informateur utile. Il écrit à Osterman (2% janvier [v. st.] 1797) : « Le comte d'Antraigues. a toujours mis le plus grand zèle à me communiquer pour notre cour impériale les nouvelles utiles qu’il recevait de sa patrie. » (A. M.)