Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

AGENCES DE VENISE ET DE PARIS (1792-1796). 103

Décu sans être découragé, d’Antraigues tourna de nouveau ses espérances du côté de la Russie en 1795, lorsque l'Espagne se fut retirée de la coalition. En février, Las Casas était transféré de Venise à Londres; en avril, la cour de Madrid signait la paix à Bâle avec la république. D'Antraigues, sans avoir renoncé à sa nouvelle nationalité, fut remercié de ses services; sous quel pavillon allait-il s’abriter? Il disait bien être attendu à Londres, où certains amis, comme Cazalès, l’attiraient; mais au lieu de servir un cabinet dont il dénouncait depuis deux ans les vues égoïstes, il trouva plus simple de changer de déguisement sans changer de résidence. Il suggéra à Louis XVIII l’idée de demander son agrégation à la légation russe de Venise. Dans ce nouveau poste, il espérait devenir un intermédiaire important entre son maitre et Catherine II.

De là l’empressement avec lequel il répondit aux avances de Golovkine. Ce ministre avait entendu parler favorablement de lui à la cour des Deux-Siciles; il pensa se faire valoir en demandant à cet homme si bien informé des détails sur l'intérieur de la France et le parti royaliste, sur les relations du Comité de salut public avec la Turquie et la Pologne, et, les ayant reçus, il en fit part à l'impératrice dans deux lettres confidentielles : « C’est, ajoutait-il en parlant de son correspondant, un des meilleurs serviteurs du roi de France, fort différent des petits faiseurs dont ce prince est entouré. » Il sollicitait en conséquence pour lui quelque distinction flatteuse ou quelque marque de bienveillance (1).

Exposé de ma conduite avec la cour de Russie, par »’Axrraïques. (A. F.)

(1) D’Antraigues à Golovkine. (A. F., France, vol. 634, {° 64.) — Golovkine à l'impératrice Catherine, mai et août 1795. (à. M.)