Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
194 CHAPITRE CINQUIÈME.
le renversement projeté du royaume de Sardaigne qui s'accomplit en décembre.
Comme correspondant des Bourbons de Naples, d’Antraigues était instruit à souhait par un homme qui lui écrivait : « Soit par moi, soit par mes agents, rien de ce qui peut servir cette famille désolée ne sera négligé (1). » Il recevait copie des lettres que Garat, l'envoyé français près de la cour des Deux-Siciles, adressait à Paris, et les instructions ex original remises à Lacombe Saint-Michel, successeur de Garat. Vannelet lui désignait les agents de la propagande républicaine dans le royaume, l’évêque de Tarente, naguère en correspondance avec Bonaparte, Marchi, qui travaillait à distance, de Milan. Il dénonçait Bionval et Gaudran, chargés d’agiter la Sicile; il communiquait même une page de l’écriture de Gaudran, propre à faire retrouver sa trace, et recommandait expressément, si on parvenait à saisir cet émissaire, de le mettre à la question et de le pendre sans miséricorde. Quelques jours après, il rendait compte de leurs rapports, qui concluaient à l’impossibilité d’un soulèvement. Enfin, lorsque trois commissaires, Abrial, Senovert et Lhomond, furent envoyés pour arrêter les malversations des états-majors, il eut soin de faire remarquer que deux d’entre eux avaient été choisis sur sa recommandation ; il spécifia leurs travers, leurs faiblesses ainsi que la conduite à tenir à leur égard, si on voulait rendre leur action insensible.
Cet espion de haute volée a l'œil ouvert sur toute la Méditerranée. Une expédition révolutionnaire contre la Corse se prépare, sous les ordres de Lapoype, afin de saisir et d’expulser les chefs de famille suspects d'intel-
(1) Lettre du 21 janvier 1799.