Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
A VIENNE. — THUGUT, VANNELET (1798-1800). 193
vieille mode française. Sieyès le tenait régulièrement au courant des efforts tentés en vue de cette alliance, et il expliquait à son tour à d'Antraigues comment Sieyès avait à grand'peine assuré vis-à-vis de la France une neutralité provisoire et peu sincère. Il ne croyait pas, conformément aux conjectures hasardées de l’ambassa* deur, à une révolution imminente en Prusse; il comptait plus sur le million de pensions secrètes réparti depuis deux ans, à l'en croire, entre divers chefs de l'armée prussienne, et il ajoutait au sujet de Frédéric-Guillaume une prédiction qui, transportée sur ses successeurs, est d'une admirable justesse : « Cet homme nous fera plus de mal en temps et lieu qu'aucun de nos ennemis (1). » C'était particulièrement sur l'Italie, alors le principal champ de bataille de la Révolution et de l’ancien régime, que Vannelet apportait des informations précieuses. Parfois il annonçait certaines nouvelles qui, vraies lorsqu'il les surprenait, se trouvaient fausses quelques jours après, par l'effet des circonstances. Ainsi, selon lui, un jour l'invasion de la Toscane avait été décidée; il avait tenu et lu l’ordre d'arrêter le grand-duc; puis l'affaire avait été remise et en définitive abandonnée. Merlin et Reubell avaient résolu de reléguer le pape à Malte; Bonaparte préférait l'envoyer en Corse. Ce n'étaient là que des projets; Vannelet les recueillait en passant, mais il s'emparait aussi des faits accomplis, des secrets véritables, par exemple des aveux du général Berthier sur limpopularité du régime républicain à Rome, ou des preuves de la complicité d’Azara, l'ambassadeur espagnol, dans la chute du gouvernement papal. D'autres fois il prévoyait juste; car il révèle dès le 21 avril 1798
(1) Lettre du 29 novembre 1798