Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
226 CHAPITRE SIXIÈME.
venu, à côté des diplomates avoués, un intermédiaire dont Czartoryski appréciait l'utilité, mais dont l’action, à distance, restait insensible. De Paris à Pétersbourg, à la même époque, il transmit un bulletin sous forme épistolaire qui amusa et servit la chancellerie russe, et qui est intéressant à plus d’un titre.
A tout prendre, il nous semble curieux d'apprendre par son canal comment des témoins hostiles, embusqués au seuil des Tuileries, dépeignaient Bonaparte, son entourage, son gouvernement, sa situation en France et en Europe, au moment où la république cédait la place à l'empire. D'Antraigues fut le porte-parole de ces révélations en Russie, et comme seul éditeur il en porte le mérite et la responsabilité devant l’histoire. Ce n’est donc pas faire une digression inutile que de les parcourir,” comme les pièces justificatives de sa polémique contre le gouvernement français. En les recueillant, il se les appropriait, sauf à en dissimuler l’origine précise, et nous les regarderons comme siennes, sans chercher, plus que ne l’a fait Gzartoryski, à en déterminer les sources.
Bien qu’exilé à perpétuité et mis hors la loi par Bonaparte, il devait à ses origines et à ses relations de jeunesse de ne pas être oublié de plusieurs de ses parents ou compatriotes, qui appartenaient à l'administration ou à la cour consulaire. Son oncle, l’ancien évêque de Troyes de Barral, venait d'être nommé évêque de Meaux; parmi ses anciennes connaissances de Montpellier, l'un, Cambacérès, devenu le second personnage de l’État, ne daignait pas se souvenir tout haut de lui; l’autre, Étienne Méjean, alors secrétaire général de la préfecture de la Seine, le défendait au moins à demi-voix (1); les fils de deux de
(4) Ge Méjean était de longue date en relation avec d'Antrai-