Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1789-1190). 73

outre, il écrivait sur place, au jour le jour, comme si l'on eût touché à la fin de la crise, une histoire vivante, malheureusement perdue pour nous, de la première année de la Révolution. « Je me porte, écrivait-il à un de ses compatriotes, aussi bien que l’on peut se porter quand on travaille dix heures par jour sans avoir pu demander de vacances (1). »

À ces occupations variées il faut joindre ses relations clandestines avec la Cour, dont le détail nous échappe, mais dont l'existence parait certaine. Depuis les journées d'octobre, le roi s'était résigné à la pensée de ruiner la Révolution par ses propres excès, comme à la perspective de faire intervenir l'étranger dans ses affaires. Il envoyait l'agent secret Fonbrune en mission à Madrid, et il commençait à signer sans observations ni restrictions aucunes les décrets les plus hardis de l’Assemblée. D’Antraigues s’est vanté de lui avoir fait sur ce dernier point des représentations inutiles. Bien mieux, le 4 février 1790, Louis XVI se présentait solennellement à l’Assemblée et y adhérait à tous les décrets rendus ou à rendre. À la suite de cette manifestation, le serment de fidélité à la nation, à la loi, au roi, fut exigé de tous les députés. D'Antraigues était alors plus que jamais dans une situation fausse, impossible à garder; le bruit de ses intrigues avec la Cour s’accréditait. Dans le procès intenté au marquis de Favras, qui avait pour but de pénétrer les entreprises supposées des amis de l’ancien régime contre le régime nouveau, un témoin avait attribué ces paroles à l'accusé : « M. d’Antraigues et l'abbé Maury sont à nous, et nous savons comment conquérir

(1) D'Antraigues au notaire Vigne, 20 août 1789. (Comm. par M. Vaschalde.)

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