Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

14 CHAPITRE DEUXIÈME.

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Mirabeau (1).» En réponse à cette inculpation, d’Antraigues allait disant qu'il ne demandait qu'à comparaître, à rendre témoignage à l’innocence de Favras; et secrètement il se préparait à se dérober à une situation gênante. Il avait beau lire dans le Contrat social qu'on ne quitte pas sa patrie lorsqu'elle a besoin de nous : sa seule patrie était désormais le roi, et il estimait ne plus pouvoir le servir utilement qu'au delà des frontières. Depuis un mois, il était muni d’un nouveau congé, nécessaire, disait-il, à sa santé ébranlée. Le 6 février 1790, lorsque son tour vint de prêter le serment civique, il l’envoya par écrit, et à la fin de sa lettre réserva son droit de dénoncer ultérieurement les imperfections du nouveau pacte social. Cette protestation, si discrète qu'elle fût, contre l'infaillibilité de l'Assemblée excita de vifs murmures. Malouet et Charles de Lameth eurent beau essayer de prendre sa défense. Il fut décidé, sur la motion de Goupilleau, que le serment de ce député irrévérencieux ne serait reçu qu'après avoir été prêté verbalement à la tribune.

Quelques jours après, le 27 février, sans autre réplique, d’Antraigues partait pour Lausanne. Sa sortie de France donna encore lieu à un incident parlementaire. Le 11 mars, Populus, député de l'Ain, déposa contre lui un acte d'accusation sous la forme d’une lettre signée Durand, aubergiste à Bourg. D’Antraigues, passant dans cette ville, avait détourné ce citoyen de verser sa contribution patriotique : « Nous touchons à la banqueroute et à la guerre civile, lui avait-il dit, gardez votre argent. » Ces mots, rapportés à la municipalité de Bourg, provoquèrent une enquête dont le procès-verbal remplit plus

(1) Correspondance secrèle, publiée par pe Lescure, t. I, p. #18.