Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

16 CHAPITRE DEUXIÈME.

Quant à la masse de ses compatriotes, à ceux qui l'acclamaient encore au printemps de 1789, ils le traitaient depuis longtemps en adversaire décidé de la Révolution, et ils l’atteignirent là où ils pouvaient, c'est-àdire dans ses revenus el ses propriétés. Déjà, en août 1789, on parlait de lui dans son bailliage comme d’un conspirateur préparant avec la reine et le comte d'Artois le retour du despotisme (1); les lettres d'Espic, son collègue du tiers, Jui confirmèrent cette réputation. Il eut beau adresser à la municipalité d'Aizac (dont dépendait la Bastide) sa déclaration pour la contribution patriotique; ses redevances ne lui furent plus payées, et, faute d'oser poursuivre ses débiteurs, il dut vivre à Paris aux dépens de ses amis. Bientôt, pour protéger ses domaines et maintenir la paix publique, il fallut envoyer des détachements de troupes à la Bastide et à Antraigues. Les deux tiers de son revenu se composaient de cens remboursables, en vertu même des décrets de l'Assemblée. Ces décrets furent volontairemeut oubliés, et ceux qui firent afficher en publie la défense de les exécuter restèrent impunis. Partout, à Jaujac, à Mayras, à Antraigues, l'ancien seigneur avait été mis hors la loi, ses agents et ses fermiers étaient menacés, et les communautés qui retenaient ses cens les imposaient au taux le plus rigoureux, faisant ainsi payer au propriétaire dépossédé la Laxe sur un rer venu qu'elles refusaient d'acquitter. D'Antraigues réclama en vain, soit auprès du directoire de l'Ardèche, soit auprès des ministres du roi, et, se disant désormais hors d'état d'acquitter sa contribution patriotique, il requit ironiquement les officiers municipaux d’'Aizac de placer son nom sur la liste des pauvres de la com-

(1) Arthur Youxe, Voyages en france, 19 août 1789.