Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

98 CHAPITRE TROISIÈME.

régence publié au lendemain du 21 janvier (1): de plus, il s'était fait désigner pour représenter diplomatiquement Charles IV à Toulon auprès du prince français. S'il eût cru son nouveau conseiller, Monsieur eût alors à tout prix renversé les obstacles qui le retenaient dans les États vénitiens, et eût passé, bon gré, mal gré, en Espagne. Il n'osa ou ne put suivre l'avis, mais il en récompensa l'auteur. La première croix de Saint-Louis qu'il donna fut attribuée à ce publiciste de qualité qui n'avait jamais tiré l'épée. D'Antraigues souhaitait entre toutes cette distinction, peut-être parce qu'il était tenté moins que personne de la conquérir selon les règles. Le contraste est complet entre lui et un autre grand conspirateur de l’époque, le baron de Batz. Batz allait témérairement chercher les jacobins chez eux, et sut les braver impunément jusque dans leur capitale. D'Antraigues, à l'exemple du comte d'Artois, s'est tenu toujours aussi loin que possible de leur atteinte, eta mis au bout de sa plume, à distance, tout ce qu'il avait d’éloquence et de courage.

Au lieu d'aller à l’armée de Condé justifier cette marque de faveur, il se mit à la disposition du «régent » pour une campagne diplomatique. Monsieur désirait avant tout se donner un semblant de représentation auprès des gouvernements italiens, et arriver ainsi à une reconnaissance formelle et efficace de son titre. Le chevalier de Poulpry alla en son nom sonder le terrain à Venise (2); d'Antraigues y fut ensuite chargé définitive-

(1) « Le baron de Breteuil a fait passer à la cour de Madrid un mémoire contre mes droits à la régence. Cest pour répondre à ce mémoire que M. de Las Casas à engagé M. d’Antraigues à faire le sien. » (Louis XVIII à Flachslanden, s. d. —C. P.)

(2) F. Hénin à Lebrun, 2 mars 1793. (A. F., Venise, vol. 250, {° 102.)