Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

SOUS LE CONSULAT. 23

qu'à l'exception de Laïs, il entend écarter de sa Proserpine les anciens chanteurs ; tous les rôles ont été distribués par lui à des jeunes gens.

Vous n’avez sans doute pas oublié le séduisant Chérubini qui arrivait à Paris, il y a dix-sept ans, avec Babbini (4) : c'était alors un jeune homme charmant. Je l'ai vu, à cette époque, au Concert spirituel (2) et à l'excellent Concert de la loge olympique (3), entendant, pour la première fois, les symphonies de Haydn; j'ai été témoin de sa profonde et muette admiration. Cette impression a certainement exercé une influence décisive sur son goût et sur son style. Grâce à elle, j’en suis persuadé, il est le premier Italien ayant osé sacrifier parfois la partie vocale à la partie instrumentale, le premier et le seul ayant su produire des effets d'harmonie etse créer un style original.

(1) Babbini, célèbre ténor, applaudi sur les scènes de Berlin, Pétersbourg et Londres, n’a fait que passer à Paris, vers 1786.

(2) Le Concert spirituel, établi en 1725, dans la grande salle des Cent-Suisses, aux Tuileries, par privilège accordé à Anne Danican, dit Philidor, musicien de la chambre du Roi, fut transporté plus tard dans la salle des machines, occupée auparavant par la ComédieFrançaise. Le chanteur Legros le dirigea avec succès, de 1777 à 1791, année funeste aux entreprises musicales. Métra, dans sa Correspondance secrète, Mercier, dans son Tableau de Paris (1783), parlent avec détails de la grande vogue du Concert spirituel.

(3) Les Concerts de la loge olympique étaient une transformation du Concert d'amateurs, créé à l'hôtel Soubise, — Archives nationales actuelles, — en 1775, par M. de La Haye, fermier général, et le baron d’Ognies fils, surintendant des postes.

Gossec en dirigea l'orchestre, où le fameux chevalier de SaintGeorges était premier violon. En 1780, d’après Fétis (Curiosités historiques de la musique), le concert se transporta rue Coq-Héron et prit le nom de Concert de la loge olympique. Suivant des indications recueillies au musée Carnavalet, le concert se serait définitivement établi au Palais-Royal, arcade 6%. Les auditions, excellentes comme programme et comme orchestre, étaient réservées aux membres de la loge. Les événements amenèrent la clôture de ces réunions, dont les concerts Feydeau et ceux de la rue de Cléry, de 1794 à 4803, n'ont été que de pâles copies.