Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

SOUS LE CONSULAT, 203

Mlle Claire n’a pas mal dansé. Mais la pauvrette avait mal pris son temps pour débuter, en se montrant à côté de la ravissante Mme Gardel; elle devait être nécessairement éclipsée, elle la été.

Vous ai-je déjà parlé du plus jeune des Vestris, Vestris IL, petit-fils du fameux Vestris I et fils du danseur de ce nom, encore en réputation et premier danseur? Élégant de sa personne, il ne manque pas de grâce, de souplesse, de fini dans l'exécution; mais il n’a ni la force ni la résistance qui sont indispensables aujourd’hui à un premier danseur. Duport lui est supérieur à cet égard et deviendrait un rival dangereux pour Vestris IL, le père, s’il avait le bon goût de ne pas lutter de tours de force avec lui. Malheureusement, les danseurs ne recherchent plus que les applaudissements inintelligents de la foule, au lieu de s’en tenir à l'approbation des connaisseurs. Je me trouvais à l’amphithéâtre, à côté de Vestris L, le patriarche d’une génération de danseurs, tandis que son fils et Duport faisaient assaut de tours de force sur la scène. Je dis au patriarche : « Vous devez être désolé de voir transformés en « sauteurs » les représentants d’un art qui était si noble et si gracieux de votre temps. » Et le Diou de la danse de faire chorus avec moi et de se lamenter sur la décadence de l’art. Peu d’instants après, il quitta sa place et rejoignit dans la coulisse son fils, furieux d’avoir été moins applaudi que Duport. Je l'avais suivi en catimini et je le surpris, oublieux de ce qu'il venait de me dire lui-même des défauts de son fils, recommandant à son rejeton de rester fidèle aux bons principes qu'il lui avait inculqués et de continuer à « mépriser les sauteurs à la mode »!

Le lendemain, malgré mon entrée de faveur, j'ai eu beaucoup de peine à me caser au concert Cléry. Il est