Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt
SOUS LE CONSULAT. 447
pris congé d'assez bonne’heure, laissant la joyeuse société en train d'organiser une sauterie.
Aux abords de la Malmaison, nous fûmes interpellés par un officier de la garde consulaire qui nous invita rudement à nous éloigner, si rudement que mon compagnon de route, Parisien pur sang, faillit se prendre de querelle avec lui. La discussion ne put durer : Bonaparte arrivait grand train avec sa suite, menant lui-même sa voiture découverte, attelée de quatre chevaux : à côté de lui, sur le siège, un personnage en habit rouge; dans la voiture, sa femme et Mme Louis. Des pelotons de gardes et de gendarmes à cheval précédaient et suivaient; aux portières, des généraux et des colonels; à côté de l’attelage, si près des chevaux qu’ils semblaient les tenir par la bride, des laquais galonnés ; tout ce monde allait au grand trot ou au galop. Un fort détachement de gardes occupait déjà l'entrée et la cour de la Malmaison; des patrouilles à cheval circulaient aux bords des fossés qui entourent le mur d'enceinte.
Si bien aménagé que soit, dit-on, l'intérieur, on ne comprendrait pas comment le Premier Consul préfère cette résidence maussade à Saint-Cloud avec son beau parc, si l’on ne savait combien il aime à s’isoler (1). On a commencé à planter des arbres aux alentours, et les serres se garnissent de plantes: mais le site restera toujours peu attrayant, en dépit des améliorations. Plus loin, sur la route vers Paris, s'élèvent les casernes de la garde consulaire; ces bâtiments, six fois plus considérables que la résidence du Consul, ont cer-
(1) Les bosquets de la Malmaison reçoivent sous leurs ombres paisibles l'homme dont le génie remplit l'univers étonné de sa gloire, et, comme a dit M. de Ségur, quelle que soit la fin de l’histoire de
Bonaparte, il faudra un Plutärque pour écrire sa vie. (Paris et ses curiosités, 1804, t. II, p. 154.) SN LE EU