Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

SOUS LE CONSULAT. 455

seurs, parce que le titre seul assure la vogue. Les Parisiens seront toujours esclaves de la mode.

En fait de mode plus sérieuse, il est de bon ton de fréquenter les conférences scientifiques des lycées et des athénées; les plus intéressantes et les plus suivies sont celles de Vauquelin et de Charles (1).

Vauquelin, le chimiste le plus habile de Paris, a des façons plutôt allemandes que françaises. Il est simple, modeste, et ses travaux consciencieux sont mis à profit par les savants en évidence mélés aux affaires. C’est le fils d’un paysan. « Son père, me disait un de mes voisins à l’une de ses conférences, ne l’a pas trouvé assez intelligent pour en faire un cultivateur! » Pendant longtemps, il a été l’aide de Fourcroy, qui sait toujours utiliser les recherches du savant resté dans son laboratoire, sans toucher à la politique.

Vauquelin tient ses conférences dans une vaste salle dont un tiers est occupé par ses appareils et ses fourneaux; les deux autres tiers sont pris par des sièges en amphithéâtre; l’entrée est pratiquée à mi-hauteur au milieu des gradins. Le chimiste se place en avant de ses fourneaux, parle froidement, sans chercher à briller; sa parole est nette et claire. Six préparateurs l’assistent et prennent activement des notes. En général ses conférences durent trois heures; elles ont lieu pendant neuf mois, on souscrit pour six louis. L’élocution de Fourcroy est plus brillante et plus animée. J'ai assisté plusieurs fois à ses cours de chimie au Prytanée : il arrivait dans son bel équipage, et sa prestance imposante jurait assez avec la salle sombre

(4) Vauquelin, né en Normandie en 1763, ancien pharmacien, membre de l'Institut, remarquable par son habileté de manipulateur.

Charles, né à Nancy en 1746, s'est surtout occupé d'électricité, a appliqué le gaz hydrogène à l'aérostat.