Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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ce temps-là! Il en est de l’ami C*** comme à peu près de tout le monde ici : on ne vit que pour le présent. Il semble que la Révolution ne soit qu'une époque pendant laquelle les Parisiens, manquant de bois et de chandelle, en étaient réduits à apporter un lumignon, quand ils passaient la soirée chez un ami. Maintenant qu'ils ont le bonheur de contempler dans leurs salons de grands lustres bien éclairés, ils sont heureux de cette fin d’une ère agitée! Laissons là des remarques qui ne changeront rien à l’état des choses; je passe à un autre sujet.

Hier, j'ai entendu à Feydeau une charmante pièce d'intrigue : les Confidences (1). Le sujet doit être espagnol de provenance; quoi qu’il en soit, l'opéra a eu succès complet : la pièce pourrait se jouer, même sans la jolie musique de Nicolo. C’est une triple intrigue qui se déroule ; trois prétendants recherchent une même jeune fille : Solanges, le préféré, à qui la main avait été antérieurement promise, mais qui est contraint de se cacher pour une affaire d'honneur et de se faire passer pour mort, réussit à entrer dans la maison de sa fiancée comme jardinier, sous le nom de Blaise; Mérival, jeune provincial, est le second postulant sérieux; le troisième, Floricour, aimable étourdi, s’insinue sous le costume de jockey et, sans se déclarer ouvertement, cherche à se faire bien venir de tout le monde.

Entre les rivaux s’échangent et se croisent des confidences et des quiproquos amenant les plus plaisants malentendus, tandis que la fiancée de Solanges, assistée par sa fidèle Lisette, s'efforce de sauvegarder les intérêts de son préféré. Une lettre du père de Solanges au père de la jeune fille dénoue l’imbroglio; elle annonce que le fils est

(1) Les Confidences, opéra-comique en deux actes et en prose, paroles par A. Jars, capitaine du génie.