Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt
SOUS LE CONSULAT. 13 cire, mais d’une vigueur et d’un caractère extraordinaires. Il représente les Parques (1); on m'assure qu'il est de Michel-Ange et que c’est l'unique tableau de ce maitre venu d'Italie. Incontestablement, l'œuvre est d’un grand peintre dont la manière ne rappelle aucun artiste connu; Michel-Ange, le génie universel, peut en étre l’auteur. Cette peinture n’est que légèrement endommagée.
En sortant de la salle qui recèle tant de trésors, je me suis arrêté de nouveau dans la galerie, avec un pieux recueillement, devant quelques toiles de Léonard de Vinci. J'ai constaté avec bonheur qu’elles ne sont ni endommagées, ni restaurées.
On paraît avoir apporté plus de soin au transport des Antiques : quelques-uns des plus importants ont toutefois reçu des atteintes. Ainsi, il m’a été impossible de retrouver, au Laocoon, ces restes de la tête antique du serpent dont parle Gæthe dans ses Propylées (2). Ce groupe admirable, comme d’autres de même valeur, est si mal placé, qu'il faut nécessairement se poser en face pour le bien voir. Le mauvais arrangement est particulièrement défavorable à la Vénus du Capitole, mise non loin de lApollon du Belvédère, contre un mur et défendue par une balustrade; or vous savez que c’est Le dos de la statue, très supérieur comme sculpture à celui de la Vénus de Médicis, qui en est la partie merveilleuse. Beaucoup de
(1) C'est au palais Pitti, à Florence, où elles ont été réintégrées après 1815, qu'il faut contempler aujourd'hui les trois têtes, pâles, impitoyables, impassibles comme le Fatum antique, dont le burin ne peut rendre l'intensité d'expression.
(2) Gæthe avait écrit dans son périodique les Propylées : « La tête restaurée du serpent ne rend pas exactement l’action de mordre. Heureusement les fragments antiques des deux mâchoires sont encore adhérents à la partie postérieure de la statue. Pourvu que ces indices précieux ne se perdent pas pendant les malheureux changements actuels, »