Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt
SOUS LE CONSULAT. 45
A un autre jour, la description du Cabinet des dessins; les chefs-d’œuvre n’y manquent pas.
On est admis à visiter ces belles choses tous les jours, de neuf heures à quatre heures, sur la présentation de son passeport ou du certificat que la police vous délivre au dépôt de cette pièce; les artistes qui veulent copier ou dessiner n’ont qu'à se faire inscrire à l’administration du musée. Les salles et les galeries sont fermées le vendredi, jour de nettoyage; c’est le jour que les étrangers de distinction choisissent afin de ne pas être troublés dans leur plaisir artistique, mais il leur faut une autorisation spéciale du ministre de l’intérieur. Le samedi et le dimanche, tout le monde entre. Le public est alors si nombreux et si malpropre que l’on devrait consacrer le lundi au nettoyage. Dans ce public j'ai surtout remarqué beaucoup d'anciens soldats et d’invalides, en uniformes plus ou moins déchirés. Les militaires cantonnés hors Paris se présentent souvent dans le courant de la semaine et le majestueux concierge les laisse pénétrer, grâce à leur costume.
Parmi les gens de passage à Paris, je viens de rencontrer Châteaugiron (1), qui a accompagné Caillard, lors de sa mission à Berlin et qui est resté chez nous quelques années. Il est attaché maintenant à la légation de Pétersbourg et ne se trouve ici que pour recueillir son opulente succession paternelle. Après un fort bon dîner, il a complété mon régal en me montrant ses curiosités, —_ il a les goûts du vrai collectionneur, — notamment
(1) Hippolyte Le Prestre, marquis de Châteaugiron, né à Rennes en 1774, ancien aide de camp de Marceau, avait été secrétaire de légation en Prusse de 1795 à 1799. Sa nomination à Pétersbourg datait de 1801. Sa mère, née Descartes, a été le dernier rejeton direct de la famille du philosophe.