Une mission en Vendée, 1793

UNE MISSION EN VENDÉE, 1793. 59

espagnol, de l’ex-dominicain Vincent, était placée sur une des portes de la ville et le charlatanisme sacerdotal avait persuadé à la crédulité populaire que cette statue avait la vertu d'empêcher les inondations de la rivière du Morbihan. Quelques soldats ont voulu faire l'essai de cette assertion monacale et la statue a été renversée. La rivière n’a point débordé, le peuple a ri du mensonge des imposteurs qui l’avaient abusé, et par délibération prise en assemblée publique, on doit substituer au benêt saint Vincent un bon sans-Cculottes, couvert du bonnet rouge, tenant d’une main une pique et de l’autre une couronne avec ces mots: Le peuple la donne. Et la porte et la rue auxquelles Vincent avait donné son nom seront désormais appelées la porte et la rue des Sans-Culottes,.

Une fête patriotique a été préparée à Auray pour la brûlure solennelle de tous les titres féodaux et parchemins nobiliaires qui subsistaient encore. La commune et la société populaire m’invitent à me rendre dans leur sein pour assister à cette fête. Je devais installer la municipalité nouvelle, et je ne puis m'éloigner. Je charge mon ami Jullien de me suppléer. Il se rend à Auray : c’est lui-même qui nous fait à son retour le récit de la fête dont il vient d'être témoin. — Il avait plu le matin; de noirs brouillards obscurcissaient l'horizon, et la journée s’annonçait sous les plus tristes auspices; mais sur le milieu du jour le ciel s’éclaircit, le soleil longtemps éclipsé sort du sein des nuages, brille de tout l'éclat de ses rayons. La nature elle-même indique l'heure de la fête. On se réunit, femmes, enfants, vieillards, gardes nationales, corps constitués, dans une vaste esplanade. Au milieu paraît un bûcher où sont entassées de vieilles paperasses qui servirent autrefois de pâture à l'orgueil de quelques imbéciles et vont