Variétés révolutionnaires

LA ST-HUBERTY ET LE COMTE D'ANTRAIGUES 193

ment jusqu'à deux cent mille livres pour combler les déficits. L'auteur de l'Espion anglais s'étonne qu'un aussi admirable spectacle, le plus beau de l’Europe, dans une ville comme Paris où tous les autres théâtres rapportent des sommes considérables, ne parvienne pas à se suffire à lui-même. On voit que le problème de l'Opéra ne date pas du monument Garnier. Tout ce haut personnel administratif avait peine à mettre un peu d'ordre dans une maison où les actrices en faveur auprès du public ou des grands seigneurs de la cour, femmes excessivement fantasques et sujettes aux vapeurs, ne se décidaient parfois à jouer, le soir, qu'aprèsune après-midi passée au Forl'Evêque. Des correspondances sans fin s’échangeaient avec les ministres à propos d’un engagement et le moindre caprice d'actrice devenait affaire d'Etat, terminée parfois par une lettre de cachet. La chronique galante, fort riche en détails sur ce point, ne nous a fait grâce d'aucun scandale. Mairobert observe pourtant que les chanteuses, sauf les coryphées, faisaient relativement peu parler d'elles, à la différence des danseuses, qui remplissaient Paris de leur tapage, soit qu'elles eussent un ou plusieurs amants en titre, soit que, suivant le mot impertinent du Gazelier cuirassé, elles « se détaillassent ». Pour expliquer à un étranger le succès extraordinaire des danseuses, d'Alembert lui démontrait scientifiquement que leurs extravagances étaient une suite nécessaire des lois du mouvement.