Variétés révolutionnaires

192 VARIÉTÉS RÉVOLUTIONNAIRES

Le mari, décu dans ses espérances et mis au pain sec, s'enfuit encore une fois en emportant, par habitude, les robes de théâtre et les bijoux de sa femme. Recueillie et équipée à neuf par la princesse Lubomirska, Antoinette prit bientôt le parti d'aller chercher un engagement à Paris. Glück, à l'apogée de sa gloire, reçut à bras ouverts, — c'est le mot, la jeune cantatrice, qui avait trop couru l'Allemagne pour se montrer cruelle, et la fit engager à l'Opéra, où elle débuta le 23 septembre 1777 dans le rôle de « Mélisse », d'Armide. Le Mercure lui trouva une voix agréable et un jeu plein de finesse. Quant à Croisilles, momentanément revenu au bercail sous l'influence salutaire de la faim, il obtint le modeste emploi de garde-magasin du théâtre. Glück n'oubliait pas le mari.

L'Opéra était alors un monde à part, une puissance dans l'Etat. Pidansat de Mairobert, le commis de la marine, collaborateur de Bachaumont, dit dans son Espion anglais : « Cette république lyrique composée de trois cents personnes tomberait bientôt dans l'anarchie si quelque législateur ne veillait constamment sur elle ». L’ordonnance de 1776 réforma l'administration dont Mairobert expose complaisamment les vices, et désigna pour diriger l'Opéra « avec les pouvoirs les plus étendus, » sous le contrôle direct du secrétaire d'Etat au département de Paris, six commissaires du roi assistés de deux inspecteurs, et d’un directeurgénéral. La ville de Paris subventionnait l'entreprise et fournissait annuelle-