Vergniaud : 1753-1793
= if tion, je vous avoue que l'épuisement de mes forces morales me la rend aussi pénible que flatteuse ; et, si les temps eussent été calmes, si l'horizon de Paris ne paraissait pas encore chargé d’orages, s’il n’y avait eu aucun danger à courir en restant, si je n’avais pas cru que je pouvais être utile pour lutter contre quelques scélérats dont je connais et je soupçonne les projets, je n’aurais pas hésité à refuser. Mais, dans les circonstances actuelles, c'eût été une lâcheté et un crime, et je reste. »
Parmi ces scélérats que redoutait Vergniaud, se trouvait évidemment le principal instigateur des crimes de septembre, le haineux Marat, qui non suffisamment repu du sang versé à Paris avait envoyé aux départements une circulaire pour conseiller le massacre. Les Girondins dénoncèrent cet odieux message que son auteur défendit en s’intitulant le plus ardent défenseur du peuple, et Vergniaud, ne pouvant maîtriser sa colère, lui répondit : « S'il est un malheur pour un représentant du peuple, c'est celui d'être obligé de remplacer à cette tribune un homme chargé de décrets de prise de corps qu'il n'a pas purgés..…., un homme tout dégoûtant de calomnies, de fiel et de sang... : Ce début semblait présager une de ces véhémentes apostrophes familières à l’orateur, et Marat, décrété d'accusation, allait sans doute tomber sous l'horreur et le mépris publics. Il n'en fut rien; la honte, le dégoût de se trouver en face d’un pareil adversaire paralysèrent l'inspiration du Girondin qui recueillit à peine quelques applaudissements, et le promoteur attitré de l'insurrection et de l'assassinat put remonter à la tribune, où, s’appliquant un pistolet sur le front, il s’écria : « Si vous aviez lancé contre moi le décret d'accusation, cette arme m'aurait soustrait à la rage de mes persécuteurs, »