Bitef

beaucoup, mais- on ne le prend pas au sériex, it y en a même qui l’aiment, mais personne ne compte sur lui pour faire son jeu. Quand la nouvelle de l’infidélité de Vidosava se répand à la cour, Vojin et sa mère ne pensent qu’aux conséquences politiques que cet événement pourrait avoir. Après une courte consultation on en vient à conclure que du point de vue de l’effet politique, il vaudrait le mieux répudier Vidosava et la maudire dans un mesage public qui pourrait toute chose ayant deux faces avoir un très bon effet sur l’esprit de combativité dans les masses. L’avis de Strahinja dans l’affaire n’est même pas sollicité. C’est Strahinja lui même qui, ayant appris le résultat du conciliabule, tient à se prononcer. Ses méditations à ce sujet sont bien différentes, et son attitude est expliquée par ses relations avec Vidosava, qui nous sont connues du premier acte. Cette attitude est foncièrement humaine, mais absolument incompréhensible a l’esprit des Jugoviés entraînés dans le tourbillon politique. Strahinja a gagné sa femme dans un tournoi, à la pointe de sa lance. Vidosava, fille cadette des Jugovič, la femme parjure de notre poème épique, est ambitieuse comme tous les membres de su famille, mais par un hasard fatal, elle n’a pas l’occasion de jouer sa chance. Sa soeur s’est mariée au tsar, ses frères, chacun à sa manière jouent un rôle prépondérant; c’est eux qui gouvernent l’empire. Elle, par contre, est sans fonction dans ce »grand monde« qui, par moments, peut paraître minime. Elle imagine d’organiser ce tournoi avec l’espoir apparent qu’un autre y fut vainqueur, mais c’est Strahinja qui l’emporte. Alors, fidèle à sa promesse, elle suit Strahinja dans ses terres. Mais, dans son ménage, elle se conduit comme quelqu’un qui, ayant signé un contrat, s’efforce à en remplir les clauses. Strahinja se résigne à cet état de choses, espérant que cette femme qu’il aime, mais qu’il ne comprend pas, changera un beau jour, - que derrière l’échafaudage de ses livres latins et de ses chroniques slaves qu’elle lit sans discontinuer, apparaîtra une face qui ne sera plus mystériuse mais qui portera les traces de l’amour et de l’abandon. Or, ce changement n’est pas survenu jusqu’au jour ou - poussée probablement par le désir de se signaler, de sortir du commun, ne fût-ce que par le scandale, si souvent confondu avec la grandeur, - elle ne se fût enfuie avec le Turc. Mais la veille du départ de Strahinja pour Kruševac, au moment de prendre congé, Vidosava lui remet une lettre pour sa mère en lui faisant entendre que dans cette lettre elle annonçait à sa mère qu’elle s’apprêtait à commettre quelque chose d’épouvantable. L’honnêteté Strahinja, doux, ouvert, probe et tolérant, part tout seul à la recherche de sa femme. Ses beaux frères le laissent partir, s’apprêtant à le répudier lui aussi si, par - sa malencontreuse aventure, il commettait quelque gaffe

politique. Or, Strahinja, non seulement trouve le Turc, mais il en triomphe et, dans le troisième acte, ramène sa femme à Kruševac. La situation est légèrement changée. Les Jugovič ont un coupable à leur merci et ils estiment qu’il vaudrait le mieux statuer un exemple. La décision en est prise et la comparution de Vidosava devant le conseil de famille n’est qu’une pure formalité. La cérémonie du jugement suit son rituel et n’est interrompue que brièvement par le vieux Jug Bogdan pour reprendre aussitôt, jusqu’au moment où Strahinja l’interrompt faisant valoir son droit de condamner sa femme ou de lui pardonner. Elle est sa femme après tout, et puisqu’il est allé tout seul à sa recherche et qu’il a ses raisons personnelles qui le font agir, cela peut bien lui être égal si ces raison se heurtent ou non aux raisons de l’Etat, de l’Histoire ou de la Nation. »STRAHINJA: H ne vous appartiens pas de décider de son sort. Attends, Vojin, ne m’interromps pas, ne me force pas à te rappeler que ma lignée est plus ancienne et plus noble que la vôtre. VOJIN: Pourquoi, alors, l’as-tu amenée ici? STRAHINJA: Je vous l’ai amenée espérant que tous ensemble nous trouverions un remède a notre mal commun. Je voulais que nous procédions à une guérison, et non pas à un châtiment. Vous avez opté pour le châtiment. Mais moi, je m’y oppose. Au moment de quitter votre cour, seul et désespéré, je vous l’ai déjà dit: l’histoire qui m’arrive est toute petite au sein de l’histoire de ce siècle, mais c’est mon histoire à moi. Et je la vivrai, et je la supporterai, et je m’en tirerai comme je l’entends moi même. Dans mon conseil de famille il n’y a que trois personnes: ma mère, la femme que voici et moi-même. Ma mère s’est déjà prononcée en mourant. Elle a statué qu’il ne peut y avoir et qu’il n’y aura pas de jugement. Elle m’a fait jurer de ne pas tremper mes mains dans le sang. Nous sommes restés seuls les deux. Je ne connais pas la décision de cette femme. Mais la mienne, je la connais. BOŠKO: - Et, qu’as-tu décidé? STRAHINJA: J’ai pris la décision de... (à sa femme), Madame, rentres là où le devoir vous appelle. Rentrez chez vous, Le manoir est petit, il a souffert de l’incendie et il est pauvre. Il se trouve dans un coin perdu du royaume. Mais il vous accuellira dignement. Il vous souhaitera la bien-venue, comme à un voyageur qui revient d’un long et pénible voyage. Efforcez-vous à y trouver la paix. Jamais personne ne vous y reprochera rien. VIDOSAVA: Ce qui veut dire que vous m’offrez votre pardon. Et, si je n’en veux pas, de votre pardon? JUG: Cesseras-tu jamais à être obstinée? STRAHINJA: Je mentirais si je disais que je me sens le coeur léger. Quelque chose de dur comme la pierre s’est formé en moi et m’oppresse. Je ne vous offre pas de vous pardonner. Je vous offre quelques chose de bien moindre et en même temps