Bitef
C'EST AUSSI DU THÉÀTRE
Il est dans la nature de l'art de chercher toujours une expression nouvelle. Le théàtre en tant que l'art qui n'existe que s'il est vécu, vu, suivi, acceptée ou contredit, est particulièrement susceptible des changements incessants. Et cependant, il n'est pas facile de dégager quel est celui des changements au théàtre - soit-il subit et tumultueux ou silencieux et à peine visible - qui a la valeur de l'art. Au théàtre il ne s'agit pas que de modification de forme dans le cadre d'un style théàtral, mais de la Substitution des moyens essentiels de l'expression et méme d'un revirement radicai de la perspective où l'acte théàtral est situé. Au siècle que nous venons d'entamer, siècle ouvrant le nouveau millénaire, le théàtre n'hésite pas à se servir avec audace des technologies nouvelles sans méme teñir compie de l'accueil possible. D'autre part certains artistes se privent de nombreux moyens théàtraux en usage jusqu'à présent en réduisant le scénique au minimum à peine visible. Après les explosives années quatre-ving-dix et l'usage du kitsch et de l'esthétique télévisée au théàtre, à la suite de l'explicite engagement social et politique des artistes de théàtre, il semble qu'une nouvelle époque vieni, celle où le théàtre ne crie pas sa parole, mais, dirait-on, la chuchóte, en délaissant la matrice pop-culturologique évidente en s'atomisant, se réduisant de nouveau à ses éléments essentiels et impérissables - les comédiens dans l'espace vide. C'est peut-étre de nouveau le moment de l'autoexamen du théàtre et de la recherche par le théàtre de quelques nouvelles valeurs et d'un langage dans ce monde si saturé des sensations. Par rapport aux si furieux spectacles télévisés le théàtre contemporain semble subitement ralenti, comme s'il se déroulait dans quelque sorte de contre-rythme par rapport à la réalité déchainée, qu'il n'arrive plus à suivre. Au lieu de l'introduction de la réalité, qui dépasse chaqué jour ses propres cadres, qu'il ne peut ou ne veut plus suivre, le théàtre commence à créer sa propre réalité parallèle. Juste au moment ou nous avons cru que nous avons tout vu et tout vécu.
Le tandem des selecteurs offre dans son choix pour le 41 er Bitef une abondance des formes les plus différentes de l'expression scénique - des exemples extrémement nouveaux de la danse contemporaine aussi bien sous ses formes spectaculaire que minimaliste, le théàtre non-verbal des spectacles, la reconstitution (post)moderne de l'avant-garde des années soixante, l'éloquence tragicomique de la plainte sempiternelle, "le cirque nouveau" aux prétentions philosophiques, le fake-réalisme, Shakespeare comme rebelle sanglant, ainsi que la négation totale du théàtre, connu depuis des siècles, théàtre des corps qui de l'un coté de la rampe jouent les comédiens et de l'autre les corps jouent les spectateurs, il s'agit cette fois-ci du jeuThomme contre l'homme". Tout cela c'est du théàtre. Le Bitef actuel montrera certainement aussi que le théàtre est le théàtre. Quels sont les spectacles ou lequel de leurs éléments le prouveront, nous le saurons à la fin du Bitef ou bien dans quelques années. Jovan Cirilov et Anja Susa Juin 2007