Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

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que je vous ai voué à jamais. Vous y êtes trop sensible pour me voir désespéré sans me vouloir consoler. Vous avez fait les calculs de 58 villages; nous n’en sommes donc qu'à la grande huitième de notre travail, qui est de nature à ne pas pouvoir être fait, qu’en temps que nous pourrons refondre la totalité du margraviat. Et encore ces 58 villages sont calculés sans que je puisse jamais parvenir à savoir comment. L'hiver ou la saison dans laquelle nous nous trouvons aurait été le véritable temps, fait par la nature, pour la révision de pareilles opérations. Vous vous souviendrez que je vous ai demandé tout l'été passé, et cela deux heures par jour, pour m'instruire à fond de ce que vous aviez fait. Vous êtes persuadé, et de reste, que sans cette marche préliminaire, nous n'arriverons jamais au but, ne fut-ce que pour me mettre à même de répondre à toutes les objections...»

Dans la suite de cette épître, toute amicale, on le voit, M. d’Edelsheim donne encore à Butré quelques détails sur les nouvelles ordonnances publiées à Vienne par Joseph IL, relativement à la mutation de plusieurs impôts en un seul impôt unique, et critique vivement ces mesures bien mal calculées, à son avis, pour relever la situation des finances impériales. «Il faut s'attendre à voir bientôt toute l'Autriche à l'hôpital » conclut le baron, en ajoutant : « Mille compliments de mes femme, frère,' nièces et neveu. — EDELSHEIM. »

En lisant ces pages, qui ne sentent nullement l’arrogance ministérielle et où les reproches même, si reproches il y a, sont enveloppés suffisamment de professions d'estime et

1 Le baron Guillaume d’Edelsheim, le confident et le principal conseiller du margrave Frédéric-Charles, avait un frère, le baron GeorgeLouis d’'Edelsheim, qui avait passé du service de Prusse à celui de Bade en 1784, et figura comme représentant de son nouveau souverain au Congrès de Rastatt, en 1795. Nous le renconirerons encore plus d’une fois dans la suite de ce travail. En 1807 il devint ministre des affaires étrangères du grand-duché et mourut en décembre 1814.