Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

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d'amitié, pour ne pas devoir blesser bien profondément des susceptibilités légitimes, Butré entra cependant dans un accès de colère difficile à dépeindre. Sa poitrine n’était peut-être pas sérieusement compromise, mais, à coup sûr, ses nerfs étaient fort malades le jour où il répondit à M. d'Edelsheim par le plus violent des réquisitoires qu’il soit possible d'imaginer dans leur situation réciproque. On voit, en relisant cette étrange épître, quels froissements intimes avaient dû s’accumuler dans l’âme du gentilhomme tourangeau, combien son amour-propre avait dû souffrir des manquements des inférieurs ou des sarcasmes des supérieurs et des égaux. À coup sûr, il ne pouvait croire, après avoir expédié cette lettre, que le baron ferait jamais « chauffer son appartement » au château d'Ettlingen, et c'était bien une rupture officielle qu’il consacrait ainsi. En le voyant revenir au bercail, quatre mois à peine plus tard, on se prend involontairement à se demander si la lettre, une fois écrite, et dont nous ne connaissons que la minute, fut réellement envoyée à son adresse. Si M. d'Edelsheim ne s’en offusqua pas, après l’avoir parcourue, la sérénité de son caractère et l’aménité de ses façons, si vantées par les contemporains, mérite en vérité tous nos éloges. Qu'on en juge plutôt! Paris, 16 mars 1789.

« Il y à à présent onze mois que je suis dans les souffrances, et cependant je n’ai quitté Ettlingen que lorsque j'étais totalement épuisé. Plus de sommeil, plus de forces, absolument contraint d'aller chercher un lieu de repos ou de périr là, bien mal à mon aise. J’eus beaucoup de peine à gagner Strasbourg en deux jours, et j'y arrive fort à propos, le froid devenant aussitôt fort rigoureux, et c'était le seul lieu où je pouvais espérer de reprendre quelque vie, dans l’état d’épuisement absolu où je me trouvais, y pouvant jouir de toute la tranquillité que mon état demandait et sûr de n’y voir que les personnes occupées à me servir. J’y restai trois semaines, fort