Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

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indécis si je pourrais me ranimer ou succomber, après quoi je commençai à éprouver quelque mieux et à force de soins et de ménagements, je suis venu à bout de passer ce cruel hiver, mais sans jamais cesser de souffrir le mal de poitrine qui me tenait depuis le commencement de mai, et la débilité de la suite des trop violents travaux que j'avais fait, état que vous ne pouvez ignorer, car je n’ai cessé dans toutes mes lettres de vous les marquer.

« Et c’est par reconnaissance pour de pareils efforts qu'après un mois et demi de silence, vous m'écrivites cette lettre outrageante qui fut un coup si cruel et, pendant plusieurs jours, m’agita si douloureusement. Je parvins à me calmer un peu, à n’en rien dire, et à passer l'éponge sur la plaie profonde faite à mon âme. Enfin l'hiver s’est passé; j'ai vu que les beaux jours allaient revenir et je me suis mis en route pour venir voir quel parti je devais prendre pour sauver le peu qui me reste, de la révolution si fort à craindre.‘

« Letemps devient affreux, je me rends ici avec peine, et au bout de quatre jours que j'y suis, un rhume affreux me surprend. Dans l’état de souffrance où j'étais déjà, le peu de forces qui me restait disparaît aussitôt et je me suis trouvé depuis ce temps dans un épuisement absolu, à peine pouvant faireusage de mes membres. C’est dans ces moments où luttant entre la vie et la mort, sans pouvoir dire qui l’emportera, que je reçois le second acte de ce que vous m’aviez dit cet hiver, dont il y avait déjà mille fois trop. Qu'on juge d'un pareil commentaire! Le moindre soupçon sur mes intentions et ma conduite serait de votre part une injustice odieuse et pour moi linjure la plus outrageante. Quelle qualification donc donner à tous les reproches dont vous m’accablez et c’est dans le moment où sur le bord de la tombe on me porte ce coup de

1 On ne voit pas cependant que Butré, pendant son séjour en France, ait poussé jusqu’en Touraine, pour veiller à ses revenus seigneuriaux et

autres.