Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

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eûmes un jour, malgré le peu de temps et de forces qui me restaient (mais je n’ai fait que me livrer aux distractions et aux plaisirs). Je n’ai pas un chiffon ailleurs ; on vendra tous les effets que j'ai à Carlsrouhe et à Ettlingen, et comme je n'ai personne dans le monde, comme j'y suis bien seul, on le donnera aux pauvres, non à un hôpital, parce que dans mon gouvernement il n’y en a point, je n’en ai pas besoin, mais à des pères de famille indigents. Je n’ai plus pour perspective que le séjour éternel. J’y entrerai sans aucuns regrets et fort tranquillement. Songez que peut-être vous ne serez pas long à m'y suivre. Adieu. Je vous prie, mes faibles et derniers soupirs à Mgr le margrave. « Paris, ce 16 mars 1789. »

Nous n'avons pas la réponse que M. d’Edelsheim dut envoyer sans doute à son irascible collaborateur et ami, mais évidemment ils durent s'expliquer encore. Nous ne savons pas davantage à quoi Butré employa les semaines suivantes de son séjour à Paris. Mais vers la mi-juin, il quittait la capitale, restait une quinzaine à Strasbourg et réintégrait son domicile badois au commencement de juillet; car la quittance de son loyer chez la veuve Salomon Model à Carlsruhe est écrite et signée de sa main à la date du 6 juillet 1789. Les mois d’août, septembre et octobre furent ensuite passés au château d'Ettlingen; mais il avait beau faire, au milieu de ses occupations paisibles, désormais reléguées au second plan, le spectacle des évènements qui se déroulaient avec une rapidité vertigineuse dans sa patrie, ne cessait de le hanter. Comment se serait-il soustrait d'ailleurs à l'agitation universelle, qui travaillait alors les esprits? Ne nous étonnons done pas si Butré, lui aussi, négligea pour un temps d’aligner ses arbres et de greffer ses Sauvageons, pour améliorer les hommes et extirper les abus.

! Butré veut évidemment parler d’un état de choses conforme à ses plans de société idéale. Il n’admet pas qu’il y ait des hôpitaux (c’est-à-dire des hospices) dans le pays constitué selon la saine théorie économique.