Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

VIII

On se tromperait fort en espérant découvrir chez M. de Butré un enthousiasme bien profond pour le mouvement de 1789. Il s’en est désintéressé à partir du moment où il le vit, quittant la voie des réformes prudentes et successives, s'accentuer dans un sens franchement révolutionnaire. En manifestant de pareilles sympathies, le gentilhomme tourangeau aurait d'ailleurs été manifestement infidèle aux doctrines physiocratiques, qui s’occupaient beaucoup moins, on le sait, des formes extérieures du gouvernement que de la constitution d’une administration sage et pratique et visaient avant tout le bienêtre matériel des habitants d’un pays. Les théories de métaphysique politique qui passionnaient alors la France et toute la rhétorique, bonne ou mauvaise, que l’on déversait sur ses concitoyens, le laissaient froid et comme son vieil ami, le marquis, il n’éprouvait nullement le besoin de travailler pour « la bazoche française. » En économiste de profession il aurait préféré de beaucoup voir les ministres se consacrer à la réduction et à la transformation des impôts, qu’à dresser. les plans d’un édifice politique et social nouveau. Revenu de Paris avant les grandes crises de juin, et surtout avant la crise décisive du 14 juillet, Butré ne se rendait plus suffisamment compte dans ses tranquilles jardins d’Ettlingen, avec quelle fougue irrésistible son pays se lançait sur la pente des révolutions. On le voit par une lettre qu'il écrivait à Necker, à la date du 8 août 1789, pour le féliciter d’avoir été «rappelé par le vœu général de la nation pour la troisième fois au ministère d’une place si délicate et si difficile à remplir dans la confusion horrible où sont nos finances.» Cet évènement, lui disait-il, «prouve manifestement la haute probité et le désir profond