Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

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religieuses. Je vous ferai même l’aveu que si dans l'Allemagne il y avait une maison de notre institut, j'y serais fort tentée d'aller vivre et mourir en paix. Celles des religieuses de l’Empire qui s'étaient réfugiées en France, il y a sept ans, ont été rappelées et reçues à bras ouverts. Il faudrait que vous nous y fissiez un petit établissement...

« Je reviens à la sœur de Moyse. Que je vous aurais d’obligation de me mettre dans la voie d’opérer dans un quart d'heure l’œuvre de mon salut! Il faut des lumières ; mais quel moyen de les acquérir ? Sont-elles un don surnaturel, je ne me flatte pas de les mériter. Si elles sont le fruit de l'étude, je désespère de les acquérir et de parvenir à cette régénération pour laquelle vous dites, monsieur, qu’il n’y a qu’un instant, et un instant que le sage doit bien connaître. Le temps est bien passé chez moi, sans doute : à 47 ans accomplis, on approche de la vieillesse. »

Le 1 août 1790, Butré lui répond d’un ton légèrement piqué, ce qui se conçoit après la douce ironie des phrases que nous venons de citer. Il lui décrit d’abord « cette solitude si agréable que j’occupe, où rien ne vient troubler les travaux si fructueux qui en feront un petit Eden », puis il recommence une homélie contre les vœux monastiques, qu’il termine ainsi:

«.. Mais vous aimez vos liens de tout votre cœur; hé bien, chère sœur, restez-y et dans les ténèbres qui ne sont pas cependant faits pour le cœur d’une vierge qui a une âme.

« Je ne connais aucun couvent de votre ordre dans ce pays. Il y a des Visitandines, Bernardines, Bénédictines; mais quand il y en aurait, qu'y feriez-vous parmi des sœurs qui ne parlent qu'allemand et dont vous n’entendriez pas un mot ? Si vous voulez profiter du bienfait de la Constitution, je vous offre mon hermitage de Strasbourg, où vous pourrez vivre avec notre petite fille et plus paisiblement et solitairement que dans un cloître et où j'irai quelquefois vous interrompre et vous ouvrir les yeux, si possible. Je donnerai avec plaisir