Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

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Si ces lettres ne nous apprennent pas grand chose sur l'existence menée par Butré pendant ces longs mois de notre histoire, qui vont de l'exécution de Louis XVI à celle de Robespierre, nous possédons heureusement un certain supplément de renseignements dans ses cahiers de dépenses, qui subsistent à partir d'avril 1794. Nous y voyons avec quelle simplicité vraiment spartiate vivait alors ce septuagénaire, tout en travaillant dur : du fromage, du pain, des raves, du lait, du cidre, quelques cerises en été, composent ses menus ordinaires, bien rarement du vin, jamais de ia viande. Il a son domicile à Paris, mais il n’y séjourne guère. Presque toujours, pendant la saison propice, il est dehors, dans la banlieue, taillant et greffant des arbres fruitiers, gagnant modestement sa vie à ce rude métier. Les stations de son itinéraire qui reviennent le plus souvent sous sa plume, sont Montmartre, Ménilmontant, La Rapée, La Plaine, Montreuil, Andilly, Villepinte, Lagny, Epinay, Vitry. Il séjourne de deux à trois jours d'ordinaire dans chacune de ces localités, offrant ses services aux propriétaires des campagnes et des vergers, puis, la besogne faite, il continue ses pérégrinations solitaires autour de la capitale en ébullition, sans se préoccuper, outre mesure, des scènes tragiques qui se déroulent à côté de lui. En octobre 1794 il lui arrive de jeûner pendant trois jours, puisqu'il a perdu sa bourse et sa montre! Beaucoup des villages où il séjourna, lui étaient connus d’ancienne date par les achats qu’il y avait faits autrefois pour le margrave ; on l'y reçoit encore affectueusement, maintenant que ce n’est plus le haut fonctionnaire étranger, mais l’ouvrier horticole, qui vient s’asseoir au foyer domestique. À Montreuil, en particulier, Pépin, le jardinier alors si célèbre, les cifoyens Duvivier et Chevalier, la citoyenne Denis, l’accueillent avec une affection véritable.’ Les dernières paysannes de ce village,

1 Une partie de ces renseignements est empruntée à une lettre du