Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

XI

M. de Butré ne peut guère être arrivé à Strasbourg avant la mi-août, et dès qu’il eût repris possession de son domicile, «au n° 40, près de la citadelle», il se mit en devoir de reconnaître le terrain tout autour de lui. Dans les pages précédentes, on a pu lire toutes les pièces de sa correspondance, parvenues jusqu’à nous, pour les années 1792 à 1797, et l’état général de l'Europe n’avait guère permis qu’il conservât des relations épistolaires ayec ses anciens amis d’outre-Rhin. À Strasbourg cependant, qui, lui aussi, dut lui paraître étrangement changé,’ il avait immédiatement appris un fait d’une importance majeure pour son avenir, la mort de son meilleur ami à la cour de Bade, du baron Guillaume d'Edelsheim, décédé le 6 décembre 1793 déjà. Sans doute il connaissait également le frère cadet du baron, le diplomate George-Louis d'Edelsheim, qui allait représenter son souverain au Congrès de Rastatt, mais l'intimité quotidienne et l'appui de la nonchalante bonhommie de son principal protecteur lui feraient dorénavant défaut; ce fut une grande perte pour lui, et l’on peut être certain que ce lui fut également un chagrin très réel. Il s’empressa de faire parvenir au diplomate badois l’expression sincèrement émue de ses condoléances tardives au sujet de ce deuil, et profita de l’occasion pour sonder le terrain et s’enquérir de la possibilité de revenir au milieu de ses chères plantations d’Ettlingen. Mais son espoir — s’il le nourrissait réellement au fond du cœur — fut déçu; bien qu'enveloppée

1 On trouvera un curieux tableau comparatif du Strasbourg avant la Révolution et dans les années qui suivirent, dans l’ouvrage intitulé Beschreibung einer Reise nach Stuttgart und Strassburg im Herbste 1801, par le professeur Meiners, de Gættingue. (Gœttingen, Rœwe, 1803, in-16°).