Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

IV

L'œuvre physiocratique avançait pourtant fort lentement, soit que Butré lui-même, empêché par son ignorance de la langue, par le mauvais vouloir des fonctionnaires, ou l’apathie des agriculteurs, n’ait plus travaillé avec tout le zèle désirable, soit aussi que le margrave, revenu de son premier engouement, n’ait plus ressenti cette confiance absolue dans les résultats du système, qu'il avait montrée d’abord. Nous voyons bien, par une lettre de Butré à Mirabeau, que le margrave avait consenti à l’abolition préliminaire de l'impôt le plus onéreux, mais il n’avait pas encore décidé lequel d’entre eux serait envisagé comme tel et attendait le baron d’Edelsheïm, absent en ce moment, « pour en faire le choix et eftectuer l'opération »." Butré était obligé de se consoler de cette inaction involontaire en rédigeant pour le marquis de Mirabeau un grand mémoire «sur la culture d’une partie de l'Allemagne », dont il donne lui-même le commentaire dans plusieurs de ses lettres, et dont il dit naturellement le plus grand bien, faisant même un peu la leçon à son collègue en physiocratie : «J'ai vu seulement depuis l’envoi de mon mémoire, la lettre que vous écrivait en 1769 Me le margrave de Bade et votre réponse que j'ai trouvée meilleure que je ne pensais, Car je vais vous dire ce que vous ignorez. J'étais en mars 1770 chez le docteur; quelqu'un, arrivant de Paris, dit que vous aviez lu à une assemblée la lettre du margrave et votre réponse. À quoi le docteur répliqua : Je ne sais pas ce qu’on peut répondre à un prince qui nous fait une question aussi importante, et j'aurais voulu envoyer auparavant quelqu'un sur les lieux, qui examinât bien la chose et fut en état

* Lettre au marquis de Mirabeau, du 13 janvier 1778.