Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

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chez le marquis de Nesle, près du Pont-Royal, et en mai nous le voyons séjourner six semaines à Marly-le-Roi, «dans la maison de Madame »,‘ sans que nous puissions dire à quel titre il jouissait de cette faveur. Il restait cependant en correspondance avec ses amis de Carlsruhe, comme le prouve la lettre si amicale que lui adressait à la date du 15 mars 1785, le baron d'Edelsheim, premier ministre et favori du margrave :

« Vous savez peut-être, mon chérissime, que notre petit prince, cet enfant chéri et désiré, qui nous avait tous exaltés d'une joie et d’un bien-être remarquable, est mort. Je n’ai pas eu la force de vous annoncer cette triste nouvelle et nos douleurs. Vous savez d’ailleurs que dans ces mouvements extraordinaires je suis si étrangement obsédé que les forces d'Hercule ne suffiraient pas pour vaquer à mes plus chers intérêts. Je puis bien dire que cette perte affligeante et les suites qu’elle a entraînées, m'ont percé le cœur. J’ai désiré en vain de me jeter entre vos bras. Il m'aurait été bien doux d'y trouver la consolation et le repos que j'y ai su prendre tant de fois. Les seules personnes véritablement touchées sont le margrave et le pays. Les autres se consolent, chacun à Sa manière...» Passant, sans transition aucune, à des sujets d’un intérêt plus pratique, le premier ministre prie son correspondant de lui «expédier bien vite une douzaine de sujets d’abricot-pêche et autant de pieds de prunes de Tours. La différence dans l’emballage et le transport de cette espèce de marchandise est si peu de choses, entre six et vingt-quatre

* Alors Louise de Savoie, femme du comte de Provence, plus tard Louis XVIII.

* Il s’agit ici d’un petit-fils du margrave, du prince Charles-Frédéric, fils du prince héréditaire et d’Amélie-Frédérique de Hesse, mort peu de mois après sa naissance; c’était l’héritier longtemps attendu, car ses parents n'avaient eu jusqu'ici que cinq filles. En 1786 il leur vint un second fils, le futur grand-duc Charles-Louis-Frédéric de Bade (18111818 ).