Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

VI

Quelques jours plus tard, le 19 avril 1786, Butré arrivait enfin à Carlsruhe, et reprenait pour quelques mois le collier de courtisan et sa tâche d’inspecteur-général des parcs et vergers princiers. Ses obligations officielles le firent circuler tout l’été entre Ettlingen’ et la résidence du margrave; il entreprit même des excursions plus longues, qui le conduisirent jusqu'à Francfort et Mayence. Mais il revenait entre temps à Strasbourg, où les expériences magnétiques faisaient plus que jamais fureur. Elles l’arrachaient fréquemment à ses plantations de pêchers-nains et de poiriers, qu'il faisait venir en masse des environs de Paris, pour en orner les domaines du margraviat.® Il ne faut pas croire pourtant qu'il négligeât tout-à-fait son grand travail d’un cadastre économique ; il avait rédigé et fait traduire en allemand une espèce d'instruction sur la manière d’opérer ses calculs préliminaires à la réforme de l'impôt, et la distribuait aux fonctionnaires

! Ettlingen, dont le nom va revenir fréquemment sous notre plume, est une petite ville de 4 à 5000 âmes, située à l'entrée de la pittoresque vallée de l’Alb, à deux lieues environ au sud de Carlsruhe. Elle possédait une résidence margraviale, vaste quadrilatère, orné d’une tour, construit par la margravine Françoise-Sybille-Auguste, au xvne siècle, entouré d’un parc splendide; en 1805 on en fit un hôpital militaire.

* On pourrait s’étonner de ces fugues répétées, mais Butré ne touchaït pour ses travaux, très assidus, pendant certains mois de l’année, que d’assez minces honoraires et on le laissait dépenser son propre argent à Ettlingen, sans grand Scrupule, au profit du souverain. C’est ainsi qu'il achète de ses deniers, en août, quinze cents clous pour espaliers, et en novembre soixante pêchers-nains. [1 pouvait donc se croire le droit d'opérer un peu en amateur et de s’absenter à sa guise.