Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

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Entraîné par le sujet, nous avons légèrement enfreint l’ordre chronologique de notre récit; il nous faut revenir en arrière, jusqu'aux derniers jours de 1786, pour retracer le tableau de l’activité de Butré. A cette date nous le voyons reprendre le chemin du midi, tant pour soigner une santé qui devient capricieuse, que pour continuer dans ces parages des études économiques, commencées l’année précédente. Nous le suivrons rapidement de Strasbourg à Lyon, à Arles, à Béziers. En mars 1787 nous le trouvons à Perpignan, qu'il quitte pour Barcelone. Il séjourne pendant deux mois dans la capitale de la Catalogne, sans que nous puissions dire au juste ce qu’il allait y faire; car si nous avons retrouvé dans ses papiers ses factures d’auberge en catalan et le petit vocabulaire français-espagnol dressé par le voyageur pour son usage quotidien, aucune lettre de cette époque n’a survécu. Nous savons seulement, grâce à sa comptabilité méticuleusement tenue à jour,’ qu’il revint par Toulouse et Bordeaux, s'arrêta quelques jours à Tours et ne fit que passer à Paris. Le 13 mai, il rentrait à Strasbourg, et le 12 juin suivant réintégrait son domicile à Carlsruhe.? L'été se passait en courses alternatives à Ettlingen et à la capitale alsacienne, à s'occuper de ses

pauvres malades, et ces larmes précieuses que fait couler la reconnaissance et que nous recueillons dans notre sein... mon âme semble s'ouvrir, mais s'ouvrir pour absorber tout le bonheur dont cette idée trace le délicieux tableau... Laissez-moi jouir... bonsoir... je jouis...» Tout, jusqu’au nombre des points suspensifs, est un facsimile fidèle de cette effusion bizarre.

! Il voyageait d’une façon bien économique puisque la somme totale de ses dépenses pendant ce long voyage ne dépassa pas 822 livres, 9 sols.

? Une des premières dépenses qu’il fit en revenant à Carlsruhe, fut de rembourser à M. d’Edelsheim la somme de 66 livres, avancée par le ministre pour les gages du valet, laissé à son domicile. L’empressement à s'acquitter d’une dette aussi minime montre bien, ce me semble, que Butré n’était pas un pique-assiette à la cour de Bade.