Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

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personne ne lui donnait des nouvelles. Cette lettre est curieuse surtout par l'énergie de caractère qu'elle montre chez le hautain vieillard, luttant contre la maladie, comme aussi par l'appréciation rageuse qu'il y fait des procédés littéraires et autres de son fils aîné à son égard. On ne se douterait pas en l’entendant parler avec ce mépris d'un «certain homme, sorti de ses reins », qu'il s’agit du grand orateur dont l'Europe entière allait admirer l’éloquence.

« D'Argenteuil, le 19 mai 1788.

« Je réponds d'autant plus promptement, mon cher monsieur, à votre lettre du 10 du courant que je ne laissais pas d'être en peine de n’avoir nouvelle aucune, ni de vous, ni du baron auquel je suis fort attaché, malgré des distractions, additions et soustractions et d’un pays et d’une cour, et d’un travail auquel je prends le plus constant intérêt.

« Vous voulez d’abord des nouvelles de ma santé; je me suis retiré à la campagne, auprès de Paris, ne pouvant m'éloigner de mes affaires; le bon air, la paix et le régime m'y ont entièrement rétabli des suites de langueur de ma maladie, mais il m’est resté une incommodité que j'avais précédemment et qui s’est tournée en ardeurs d'urine fort incommodes, et qui me prohibent la voiture et même la promenade, si ce n’est dans un jardin. Le postea labor et dolor est la légitime de ceux qui excèdent la septuagénaire. C’est mon cas à moi, il faut se résigner, mais je ne renonce pas à mes occupations et au travail qu’autant que j'y suis forcé, car je pense qu'obéir est un devoir, mais que abdiquer est autre chose.

« L'hiver passé qui a été rare et presque unique pour la douceur vous a facilité un voyage instructif plus qu’agréable; vous avez trouvé sous vos pas toutes les barrières qui ont sucsédé aux déserts factices dont les anciennes nations germaniques faisaient leurs frontières. Tout cela refondra avec le temps sous le poids des notions évaporées de l’économie