Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)
ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE 13
certains despotes que rien ne retient, la passion non refrénée aboutit à diverses monomanies.
Chez la plupart des hommes, les idées que suggèrent l'expérience ou la réflexion entraînent également des mouvements qui tendent à les réaliser. Mais lorsque ces idées ne concourent pas avec la passion, elles lui servent de frein. Elles présentent au désir des fins diverses, antagonistes, et réduisent d'autant sa tendance à l’acte, qui, d'elle-même, est instantanée et violente. Elles sont donc, en ce cas, des éléments réducteurs. On concoit alors que plus l’intelligence d’un sujet est riche et ordonnée, moins sa sensibilité le gouverne exclusivement. De là l’importance particulière de la culture intellectuelle dans l'éducation. Au contraire, avec une mentalité pauvre ou mal ordonnée, le sujet reste livré sans réserve aux poussées de la sensibilité; il devient ce qu'on appelle un impulsif. Dès qu'une fin se présente à lui, il y cède irrésistiblement; il agit par caprices. C’est le cas de la plupart des jeunes enfants. Quand cette disposition persiste chez l'adulte, il agit par « coups de tête ». Quand il parait réfléchir, il est simplement sous l’action commençcante et vertigineuse de la passion; qu’une circonstance favorable intervienne comme le déclic d'un ressort comprimé, le sujet n’agit pas, il éclate. La colère en est un exemple très significatif.
Ces conditions de l’activité psychique ne sont point spéciales à l’homme. L'animal ne parait pas en avoir d’autres. Il serait difficile, au contraire, de refuser au sujet humain le privilège de vouloir. Toutes nos passions, même les plus faibles, toutes nos idées, même les plus abstraites, entraînent des mouvements. C'est là une loi d'harmonie entre la conscience et