Danton émigré : recherches sur la diplomatie de la République an 1er-1793

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trouble et de discorde qui règne parmi nous, et qui, si cela continue, sera la perte et la honte de la République. — Quand je vins d'Amérique, en 1787, j'avais l'intention d’y retourner l'année suivante ; mais la Révolution francaise, et l’espérance de voir les principes ‘de la liberté et de la fraternité se propager dans la plus grande partie de l’Europe, m'engagèrent à prolonger mon séjour. Aujourd'hui, après six ans d'attente, je désespère de voir accomplir le grand œuvre de la liberté européenne! ce ne sont ni les puissances étrangères coalisées, ni les intrigues des aristocrates et des prêtres qui m'ôtent l'espérance, mais bien la manière lumultueuse dont on conduit les affaires intérieures de la Révolution. Tout ce qu'on peut attendre de mieux, maintenant, ne se rapporte plus qu'à la France, etje me suis trouvé parfaitemeut d’accord avec vous quand vous avez proposé de n’intervenir dans le gouvernement d’aucune nation étrangère, et de ne pas souffrir qu'aucun pays étranger intervienne dans le gouvernement de la France. Le décret rendu à ce sujet était un acte préalable nécessaire pour le rétablissement de la paix. Mais, tant qu’on se livrera à ces dissensions intestines, tant que les étrangers pourront espérer de voir la République se dissoudre, tant que non pas seulement les réprésentants des départements, mais la représentation nationale elle-même sera publiquement insultée, comme elle l’a été depuis peu, et comme elle l’est encore, par le peuple de Paris, ou au moins par les tribunes, l'ennemi restera le long des frontières et il y atlendra le moment d'agir.

Il est à remarquer que les puissances confédérées n’ont encore reconnu ni Monsieur, ni d'Artois en qualité de régent, et n'ont point fait de proclamation en faveur d'aucun des Bourbons. Mais ce fait négatif s'explique de deux façons différentes : ou l’on abandonne les Bourbons en renonçant à la guerre, ou bien l'on change le but de la guerre, en lui substituant un projet de partage, comme on a fait pour la Pologne. Si c’est là ce que veulent les étrangers, les discordes intérieures qui nous travaillent ne leur en seront que plus favorables. Chaque jour accroit le danger d’une rupture entre Paris et les déparlements. Les départements n'ont pas envoyé leurs députés à Paris pour qu'ils y fussent outragés ; les insulter, c’est insulter les départements dont ils sont les élus et les envoyés. IL n'y a, selon moi, qu'un moyen d’empècher la rupture d’éclater : c’est d'établir, à une certaine distance de Paris, le siège de la Convention et des Assemblées qui lui suecèderont.

J'ai vu, pendant la Révolution d'Amérique, les grands inconvénients qui résultaient de ce que le gouvernement du Congrès