Danton émigré : recherches sur la diplomatie de la République an 1er-1793

PIÈCES JUSTIFICATIVES. 245

« Dans les gouvernements arbitraires et par les principes même d'action qui en maintiennent l'existence, une alliance a presque toujours pour objet l'attaque et non la défense; l’envahissement du domaine d'autrui et non la conservation de sa propriété. Tantôt c’est une convention faite entre des rois ou des pouvoirs aristocratiques pour assujettir ou dépouiller des peuples; tantôt c’est un traité par lequel, sous prétexte de maintenir la paix de l’Europe, mais dans le dessein réel d'établir la prépondérance politique de lune des parties, c’est-à-dire, en termes plus simples, d’assouvir son ambition et sa cupidité, on verse à flots le sang et l'or des peuples ; tantôt c’est un pacle où des rois, unis par le sang, croyant que leurs nations sont des familles dont ils sont les pères communs, traitent entre eux des propriétés nalionales comme de biens de patrimoine, cèdent, échangent les personnes et les biens de ces enfants dociles, et négocient des successions aux trônes comme on transige sur un héritage privé; en un mot, un traité d’alliance entre des rois ou des Etats aristocratiques n’est presque jamais qu’un arrangement domestique entre des maîtres, et une véritable conjuration contre les peuples. Tel est le résultat général de toutes les transactions de ce genre, depuis le premier traité conclu entre deux {yrans imbéciles jusqu'au traité d'alliance formé, en 1788, entre l’Angleterre et les Provinces-Unies, traité par lequel un peuple libre s’est laissé imposer, et pour des intéréls de famille royale, autant que par de fausses vues mercantiles, la honteuse et criminelle obligation de maintenir les usurpations du stathouder et de l’aristocralie batave, et de verser son sang, d'épuiser ses trésors, d'aggraver ses impôts et de se précipiter vers la banqueroute, uniquement pour empêcher un autre peuple d'être libre à sa manière. Heureusement, l'opinion publique qui, en Angleterre, tend constamment à se former sur les principes de la raison et de la justice, l'opinion publique relâche chaque jour ces liens d'une injuste garantie, et le moment n’est pas loin, peut-être, où le peuple anglais verra avec plaisir ses voisins les Bataves briser le double joug du stathoudérat et de l'aristocratie, parce qu'il saura que la chute du stathouder, quelque pénible qu'elle puisse être pour la maison de Brunswick, ne nuira point aux vrais intérêts du commerce d'Angleterre.

« Exposer ce qu'ont été jusqu'ici les traités d'alliance entre les puissances de l'Europe, c’est indiquer ce qu'ils doivent être à l'avenir, relativement à la France.

« D'abord, la France doit-elle contracter des alliances ?

« En principe, une alliance n’est un acte raisonnable et juste que lorsqu'elle se réduit à un traité de défense réciproque ; c’est

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