Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875
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Ce qui rendait la révolution qui venait de s’accomplir effrayante, ce n'était point la chute de la royauté, — elle était fatale, — c'était l'organisation, dans Paris, d’une Commune insurrectionnelle qui survivait à l'insurrection, et prétendait absorber ou annuler tous les peuvoirs. L'audace de ces usurpateurs s’accroissait des dangers publics, de la terreur du peuple et de la faiblesse de l’Assemblée. La panique qui se répandit, à la nouvelle de la prise de Longwy et de l'approche de l'ennemi, leur livra Paris sans défense.
Le 2 septembre, Vergniaud est à la tribune : il trouve des accents brülants de patriotisme et des paroles enthousiastes pour appeler les Parisiens à la levée en masse. « Il n'est plus temps de discourir, s’écrie-t-il, il faut piocher la fosse de nos ennemis, ou chaque pas qu'ils font en avant pioche la nôtre! (1) »
Mais quel est l’homme qui lui succède à la tribune, et qui semble y apporter, non point l’exaltation patriotique, mais le calme atroce d’une conscience qui à regardé en face le crime, et qui s’y est arrêtée ? Cet homme, c’est le ministre de la justice, c’est Danton.
Vergniaud demandait aux Parisiens du patriotisme et du courage ; Danton ne leur demande que « de l'audace. » Vergniaud réclamait leurs efforts contre les ennemis de la France ; c’est à d’autres « ennemis » que songe Danton.
A peine a-t-il fini de parler que le toscin sonne; et la Commune, qui a pris soin de « dénoncer, d'arrêter, d’entasser dans les cachots ceux qu’elle veut perdre, agite le peuple, lâche ses sicaires; et alors s'établit dans les prisons une boucherie de chair humaine, où ces tigres peuvent à leur gré se désaltérer de sang (2). » Pendant plus de trois jours on égorge ; et cela se fait régulièrement, paisiblement,
(1) Séance du 2 septembre 1792. (Moniteur du 4 septembre.) (2) Discours de Vergniaud, séance du 47 septembre 1792. (Moniteur du 49.)