Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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Mais au cours de ces négociations il a noté certains traits : « Swan m'a dit ce matin (3 février 1791), à propos de la question du tabac, qu'il y a dans l’Assemblée un groupe d'hommes qui disposent de toutes choses comme il leur plait, et qui mettent tout à profit. Il parle de leur corruption avec horreur !. » — « Je montre à Short (25 mars 1791) le Mémoire et les notes que j'ai faits au sujet du tabac. Parlant des faits et gestes de l’Assemblée à cet égard, il dit, que le duc de La Rochefoucault est mené par Roederer et par Condorcet qui sont deux coquins (rascals). Je lui rappelle que depuis longtemps j'ai jugé ce dernier d’après son attitude ?. » Mais ce sont Ià les propos de deux étrangers déçus dans leurs spéculations : la mémoire de Condorcet n’en saurait être ternie.

Ce qui intéressait surtout Morris, c'était la lutte des partis dans l'Assemblée et la Constitution. Il n’a point cependant : étudié les efforts du premier Comité de Constitution, avec lequel on avait voulu l’aboucher et où siégeaient à côté de Sieyès et de Talleyrand, Mounier, Bergasse et Lally-Tollendal. Îls proposèrent et défendirent l'institution d’une seconde chambre, un Sénat non héréditaire, et, au profit du roi, le veto absolu. Il n’a pas suivi et noté les mémorables débats qui se déroulèrent aux mois d'août et de septembre r789, el au cours desquels sombrèrent ces propositions. IL était en Angleterre où il a passé la plus grande partie de ce temps ?. D'ailleurs la Constitution que proposaient Mounier et LallyTollendal n'était point celle de Morris : ils seraient allés, cela paraît certain, jusqu'à admettre, comme seconde chambre, un Sénat élu à temps par les provinces.

Vaincu, le premier Comité donna sa démission, et, seuls de ses membres, furent réélus au nouveau Comité de Constitution, Sieyès, Talleyrand et Chapelier. Avec eux y entraient Desmenniers, Thourct, Tronchet, Target et Rabaud Saint-Étienne. Cependant entre les vaincus et les vainqueurs la scission n’était pas définitive ; la preuve en est que Mounier présidait

1, D. Lp: 379. — 2. T. E, p. 394. 3. Il est rentré à Paris le 13 septembre 1789, 1. [, p. 154.