Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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dis que s’il peut faire passer maintenant le premier, ce sera le moyen de détacher les Quatre-vingt-neuf et les Jacobins, ce qui les rendra les uns et les autres moins intraitables. Je lui dis de plus qu'à mon avis le roi doit essayer de s'unir à la populace. Il en tombe d'accord’. » Ici, Morris, tout entier à l'intrigue politique, oublie ses principes. Il va jusqu’à souhaiter le vote du décret prohibant la réélection, dont il a justement combattu l’idée, et cela parce que dans son jeu cela peut être une bonne carte. Le décret pourrait détruire une coalition, dont au fond il se méfie et les deux partis rivaux étant affaiblis seraient plus malléables.

Beaucoup plus tard, le 4 février 1792, racontant rétrospeclivement à Washington ce nouveau groupement des partis, il parait avoir oublié ces détails : « Vous vous rappelez, dit-il, que lapremière Assemblée avait décrété qu'aucun de ses membres ne pourrait recevoir un emploi de la Couronne ni être élu représentant du peuple. Le premier décret était de filiation jacobine ayant pour but de déjouer leurs ennemis qui étaient sur le point d'arriver au pouvoir : le second décret fut enlevé contrairement aux secrètes intentions des deux partis. Le résultat c'est que chaque parti fut sérieusement désappointé et, comme il était certain que la Constitution ne pourrait pas se maintenir, ils commencèrent à s’apercevoir que sa ruine entraînerait la leur ; ils formèrent une coalition dans laquelle chacun d’eux comptait se servir de l’autre pour ses propres fins ?. » Rien n’est plus simple que les choses vues ainsi après coup. Morris nous montre lui-même, dans le Journal d'avril et mai 1791, qu'elles étaient plus compliquées. |

À cette dernière époque, il avait personnellement travaillé aux négociations. Mme de Flahaut y était également mélée : mais cette fois l'ami et l’amie n'étaient pas du même côté. L’affaire avait deux faces : l'intérêt du roi, et l'intérêt des chefs unis de la majorité. C'était ce dernier qui préoccupait surtout Mme de Flahaut. Le 23 avril Morris va la voir : « Lorsque j'arrive au Louvre, M. de Flahaut m'accueille et se plaint de ce que Madame part pour l’Assemblée avec M. Ricy. Elle me

2, TI, p. 408.— r. T. I, p. 502.