Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

198 GOUVERNEUR MORRIS

un comité privé on discuta à Versailles la question de savoir si le roi partirait avec les troupes, ou sil irait à Paris’, et

c’est sans doute cette délibération que mentionne Moreau. « Le lendemain le roi reçut une députation à la tête de laquelle était l'archevêque de Vienne et j'en allai attendre l'issue chez le maréchal de Broglie : celui-ci était enfermé avec son état-major. Le malheureux Foulon se trouvait avec la maréchale à qui il parlait de temps en temps dans une croisée. Il se promenait à grands pas et disait tout haut : « Toul est perdu, il faut que le Roi cède et accorde tout. » Je ne crus pas qu'il parlait sérieusement et je m'avisai de lui répondre : « Il est perdu s’il cède; lout est sauvé sil sait monter à cheval ?. »

A la fin de juillet Morris, dans une lettre à Washington, lui communique cette information : « Le roi a actuellement le projet de passer en Espagne. Les mesures prises pour le dissuader auront-elles de l'effet, comme je l'espère ? Le temps seul le fera connaitre. Si cependant il prenait la fuite il ne serait pas aisé-de prédire les conséquences ; car le pays est aussi près de l'anarchie qu’une nation peut en approcher sans se dissoudre ?. »

Au mois d'août 1789, ce fut un autre projet, sérieux celuilà et qui ne venait pas du roi. Il avait été formé par Malouet, Bergasse et leurs amis qui se croyaient sùrs de trois cents députés au moins: et il s'agissait de faire accepter par l’Assemblée elle-même sa translation à vingt lieues de Paris, à Soissons ou à Compiègne ; naturellement le roi la suivrait. « Il fut décidé, dit Malouet, que Mgr l’évêque de Langres, M. Redon et moi serions chargés d’en faire la proposition au roi, en lui garantissant que, aussitôt qu'il aurait prononcé la translation, il serait suivi par la majorité de l’Assemblée. » En effet Necker et Montmorin consentiront, dans les derniers jours d’août, à soumettre le projet à Louis XVI : « C'était jour de conseil, mais le roi venait d'arriver de la chasse, trè: fatigué, il avait remis le conseil au lendemain. » Les deux ministres osèrent insister ; il y eut conseil; mais après minuil

T. I, p. 130. — 2. Souvenirs, t. Il, p. 440. — 3, T. I, p. 142 I B P