Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

LES ÉTATS GÉNÉRAUX. L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE 199

ils rapportèrent la réponse que le roi ne voulait pas quitter Versailles : « Le Roi est bon, dit Necker, mais difficile à décider : S. M. était fatiguée : elle a dormi pendant le conseil. Nous étions de l'avis de la translation de l’Assemblée ; mais le Roi en s’éveillant a dit non, et s’est retiré !. »

Alors reprennent les bruits de fuite. Le 15 septembre 1789 Mme de Ségur exprime à Morris ses inquiétudes à cet égard : « Elle est dans une grande anxiété, appréhendant que le roi veuille s'enfuir. Je lui dis que cette fuite me parait impossible. Elle pense que cela mettrait Paris en feu. Il n°y a pas à conjecturer les conséquences. Un prince aussi faible ne peut exercer que très peu d'influence par sa présence ou par son absence ?. » Lui-même cependant vers la même époque conseillait d'éloigner les enfants de Louis XVI et de les mettre en lieu sûr *.

Le 5 octobre 1789, la Cour était avertie; elle attendait le Hot qui de Paris allait se déverser sur Versailles. Le départ fut momentanément décidé, comme nous l’apprend une note précise de Mallet du Pan : « Mounier et d’autres proposaient la retraite, d’abord de la Reine, qui ne voulut pas, ensuite de la famille royale. Les gardes du corps et huit à neuf cents sentilshommes rassemblés à la galerie eussent escorté le convoi À, qui serait monté à cheval, la Reine en croupe derrière un garde du corps, le dauphin dans ses bras. Le Roi éloigné eùt convoqué l’Assemblée à Rouen : le président était décidé à les suivre, ainsi qu’un très grand nombre de députés ; on eût publié un manifeste sur l'attentat des 20 000 hommes venant de Paris pour forcer la volonté et le palais du Roi; on eût ratifié toutes les concessions. M. de Saint-Priest fit passer le projet et se mit en roule avec sa femme. À deux lieues de là un courrier vint lui apprendre que le Roi restait et attendait M. de La Fayelte. » « Le Roi lui-même, dil aussi Moreau qui était alors à Versailles, avait empêché ses gardes de ürer sur les rebelles ; lui-même avait refusé de partir pour se soustraire à la violence de ces parricides ÿ ». Enfin voici ce

1. Mémoires, t. L, p. 802-304. — 2. T. I, p. 154.— 3. Ci-dessus, p. 27. 4. Le texte publié par M. Sayous (Mémoires et correspondance de Mallet du

Pan, t. I, p. 181, note) porte ce mot; mais il faut sans doute lire : le roi. 5. Souvenirs, t. IT, p. 467.