Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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LA LÉGISLATIVE, — LE 10 AOÛT 229

dépendant du reste du Parlement, qui peut les faire tomber en leur refusant sa confiance.

Ce n’était ni l'un ni l’autre, et cependant, par certains traits du régime c'était l’un et l’autre. De là deux difficultés capitales. En premier lieu, quels allaient ètre les rapports des ministres et de l'Assemblée ? Celle-ci, malgré la séparation des pouvoirs, n'entendait pas se borner à légiférer. Elle voulait “ouverner, se considérant comme la seule et véritable représentation du peuple. C’est le tempérament naturel des assemblées françaises : elles n'ont jamais vraiment respecté la séparation des pouvoirs, que lorsque la liberté leur était enlevée, sous le premier et le second Empire. De plus, imbue de cette méfiance à l'égard du pouvoir exécutif et surtout ministériel, qu'avait distillé la philosophie politique du xvurr° siècle, l’Assemblée législative considérait les ministres comme des êtres dangereux, qu'il faut constamment surveiller et tenir de court. Les premiers ministres qu’elle eut devant elle, ceux qu'avaient fait nommer les triumvirat et les Quatre-vingtneuf, se montraient assez peu disposés à user de leur droit d'assister aux séances. Mais l’Assemblée voulait les avoir sous les yeux, les contrôler. Elle les mandait devant elle pour leur poser des questions, leur demander des explications, leur faire rendre compte.

En même temps, elle leur laissait bien la parole dans les cas où ils avaient le droit de la prendre d'après la Constitution. Mais, par une interprétation subtile et fausse, elle ne leur permettait que les explications et leur interdisait la discussion. C'étaient des serviteurs qui ne devaient point discuter avec le maitre. Ils étaient simplement soumis le plus souvent à des interrogatoires, comme des accusés, et, de fait, la mise en accusation était constamment suspendue sur leur tête. Si bien que, sous ce régime, qui reposait en apparence sur la séparation des pouvoirs, les ministres furent plus harcelés par le pouvoir législatif, qu'ils ne le sont aujourd'hui sous le gouvernement parlementaire et cela sans avoir vraiment la liberté de se défendre devant l’Assemblée.

Ces faits connus se reflètent naturellement dans le Journal