Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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IV

Un autre accident constitutionnel, dans lequel le roi et l’Assemblée eurent chacun leur part de responsabilité, rendit aussi le conflit plus aigu et précipita le dénouement. Ce fut la composition des ministères et la manière dont l’Assemblée les traita.

La Constitution laissait au roi le libre choix des ministres, sauf qu'il ne pouvait les choisir parmi les membres du Corps législatif ou parmi ceux qui n'avaient pas cessé depuis deux ans d’en être membres. Cependant, malgré le principe tranché de la séparation des pouvoirs, ces ministres avaient entrée à l’Assemblée, mais ils n’y avaient point la liberté de la parole. La Constitution portait : « Ils seront entendus toutes les fois qu'ils le demanderont sur les objets relatifs à leur administration ou lorsqu'ils seront requis de donner des éclaircissements. Ils le seront également sur les objets étrangers à leur administration, quand l’Assemblée nationale leur accordera la parole. » D'autre part la loi des 27 avril-25 mai 1791, non seulement permettait au Corps législatif de les mettre en accusation devant la Haute Cour de justice, ce qui était naturel et conforme aux principes, mais encore (Arr..26) de « prés senter au roi telles observations qu'elle jugera convenables sur la conduite des ministres et même lui déclarer qu'ils ont perdu la confiance de la nation ».

C'était, nous l'avons dit, un système équivoque et fâcheux: Ce n'était point celui des États-Unis, d’après lequel les miz nistres, il est vrai, ne peuvent en même temps être membres du Corps législatif ; mais là ils n’entrent pas dans les chambres et celles-ci ne peuvent pas juger leur conduite, sauf par une mise en accusation. Le Président les nomme et les révoque en toute liberté.

Ce n’était pas non plus le gouvernement parlementaire, d’après lequel les ministres peuvent être membres des chambres, y ont la liberté de la parole, leur maintien au pouvoir