Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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et je considère l'établissement ici d’une bonne Constitution comme le principal moyen, avec l'appui de la Divine Providence, d'étendre les bienfaits de la liberté à tant de millions d'hommes, mes frères, qui gémissent dans les liens de l’esclavage sur le continent européen. Mais je ne me laisse pas trop aller aux flatteuses illusions de l'espérance! car je ne vois pas encore ce rétablissement de la morale, sans lequel la liberté n’est qu'un vain motf. »

Morris, sauf ses réserves, traduisait fidèlement l'opinion publique. Lorsque fut élue et se réunit la Convention nationale, tout le monde en France était républicain, sauf les aristocrates proprement dits, ceux qui avaient vécu de l’ancien régime et se trouvaient déchus avec lui. Le conventionnel Thibaudeau, écrivant ses Mémoires, après la chute de l’'Empire, et faisant son mea culpa, se reconnaissait innocent sur ce point : « La Convention décréta dans sa première séance, à l'unanimité, l'abolition de la royauté et l'établissement de la République. C'était une chose convenue d’avance et qui fut généralement approuvée. Depuis, et lorsque lEmpire s'est élevé sur les ruines de la République; on a amèrement blimé la Convention d’avoir décidé, par acclamation et pour ainsi dire à l'improviste, une question aussi majeure et qui était d’un aussi grand intérèt pour la France ; mais il est certain que les esprits y étaient préparés. Les événements précédents l'avaient déjà forcément décidée. Dans la situation des choses. il était impossible de relever le trône : une assemblée de Lycurgueset de Solons n'y eût pas réussi. [| n’était au pouvoir de qui que ce fût de rétablir la dynastie qui avait cessé de régner. Personne n'y pensait. D’Orléans, le seul prince qui eût eu quelque popularité, était avili, la monarchie flétrie. Si la Convention eût pu résister à son propre enthousiasme, à l'impulsion d’une grande partie de la nation et à la nécessité sous laquelle elle se trouvait placée, elle eût, en travaillant à la contre-révolution, allumé la guerre civile dans toute la France ?. »

Mais Morris subordonnait sa croyance en la durée de la

1. TI, p. 7. — 2. Mémoires, t. I, p.80