Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

LA RÉPUBLIQUE; LA CONVENTION 269

République à deux conditions. La premièré, c'est que l'opinion ne se retournerait pas contre elle ; et d’abord tout semble y conspirer : les victoires des armées s’affirment et se multiplient, et la récolte de 1794 s'annonce comme magnifique. IL écrit de Seineport à Robert Morris en avril 1794: « Le ciel semble s'être prononcé en faveur de la République contre ceux qui veulent par la famine la priver de la liberté. Je n'ai jamais vu une telle promesse de fruits et de toutes les productions de la terre. C’est un vrai miracle de la nature, étant donnée la latitude, car en ce moment tous les fruits sont formés, les fraises en pleine floraison, les pommes sont nouées, les vignes ne sont pas encore en fleur mais les grappes futures sont marquées !. »

Mais il croit constater un revirement. Dès le 3 mars 1793, il écrit à Jefferson: « La Convention tombe dans le mépris, parce que les tribunes la gouvernent impérieusement. Ils cherchent à sauver les apparences. Mais le peuple ne saurait être longtemps dupe. C'est la vieille histoire du roi Soliveau : mais combien s'écoulera-t-il de temps avant que Jupiter leur envoie une grue pour détruire les grenouilles et les grenouillettes, c’est un point qu'on ne saurait déterminer. Déjà ils commencent à réclamer un dictateur ?. » Et plus loin: « L'opinion est très montée contre la Convention. On les suppose incapables de diriger le vaisseau de l'État dans la présente tempête. Mais elle doit souffler un peu plus fort avant qu'ils soient jetés par-dessus bord. » Le r9 avril il écrit à Jefferson que «bien qu'on guillotine ceux qui expriment des opinions royalistes, celles-ci courent les rues et qu'il y a dans la Convention une majorité qui considère la royauté comme indispensable et qui n'ose se déclarer *. »

La seconde condition était qu'on donnût à la République une bonne Constitution. Or ce n’était ni le premier projet de Constitution, dit Constitution girondine, ni à plus forte raison la Constitution, que prépara et fit voter plus tard le Comité de salut public, la Constitution du 24 juin 1793, qui pouvait contenter Morris. Il n’a parlé que de la première: Dans

1. TI ep 620 TA ip So 3. Ci-dessus, p. 39.