Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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raison, il n'avait rien répété. Lepaux dit qu'il aurait dû se:

charger de la commission. « En effet, dit-il, je ne crois pas «au prétendu complot, mais notre conduite était dictée par le « sens de la conservation personnelle ; si nous étions restés « tranquilles, nous étions perdus. » À quoi Faugas répliqua :

« En violantla Constitution, avez-vous réfléchi que vous vous « imposiez la nécessité de violations fréquentes? Oubliez-vous « que les Jacobins, dont vous vous êtes servis à cette occasion, « sont vos ennemis mortels et que si, par ce moyen ou par « d’autres, ils arrivaient au pouvoir, ils consommeraient votre « perte ? » — « Nous ne donnions pas place à des considéra« tions secondaires, notre but essentiel était de nous sauver « nous-mêmes. Si les dangers que vous appréhendez $e réali« sent nous prendrons telles mesures que dictera la prudence, * « étant données les circonstances ». Faugas dit qu’en fait le Directoire est divisé en deux partis, mortellement ennemis l'un de l'autre; Rewbell a beaucoup plus d'intelligence et d'adresse que ses adversaires, mais il est couvert du mépris et

de la haine de ses compatriotes. À ce qu'il dit, Barras est.

maintenant conseillé par Bonaparte, que Faugas considère comme un homme très capable. L'expédition (d'Égypte) qu'il vient d'entreprendre doit, dit Faugas, le couvrir de gloire, si elle réussit, et, en tous cas, le garantir contre un nouveau Fructidor, s'il s'en produit quelqu'un. » Pour rester vraie cependant, l'expression de ces sentiments doit être élargie : ce n'était pas seulement pour eux-mêmes que ces hommes tremblaient, mais pour la Révolution et pour ses conquêtes.

Les dissensions du Directoire, inévitables dans un grand pays avec un pouvoir exécutif, collectif et électif, n’ont été que trop réelles et persistantes. Morris les note souvent dans la suite. Le 27 octobre 1797 il est à Francfort : « Je dine chez la duchesse de Cumberland. Le prince de Reusse me mène dans la soiréechez Mme Sullivan. Sont là le baronde Deuxpont (sic): le comte de Fersen, M. Crauford, M. de Simolin, tous gens que j'ai connus précédemment. M. de Deuxpont me dit qui a appris du secrétaire de Barthelemy qu'il trahissait constam-

1. T. II, p. 365.