Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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l'an passé la Grande-Bretagne a offert comme subside un million de livres sterling à l’Impératrice, qui alors n'accepla pas. Il me dit que lord Malmesbury est traité à Paris avec mépris et qu’à son avis cette conduite est absurde. Je me souviens que mon ami Woronzow se réjouissait pour le roi d'Angleterre de la réponse hautaine du Directoire aux propositions faites l’année dernière par l'intermédiaire de M. Wickham, considérant cela comme le seul faux pas qu'ils aient fait en politique. Il n'envisageait pas alors, pas plus que ne le fait M. de Saint-Priest, les deux faces de la question. Le Directoire prend en considération le tempérament de sa nation et, étant décidé à rejeter tout traité, il le fait de la manière la plus propre à surexciter les esprits des Français et donne, en même temps, à ses procédés un air d'éclat qui peut éblouir les autres nations. À présent ils comptent, je crois, sur une alliance avec les Turcs aussi bien qu'avec l'Espagne, et, si les Turcs font irruption en Hongrie, la force de cet empire sera grandement ébranlée !. » Il ajoute le { janvier 1797 : « Je prends le thé avec M. Eden et il me dit qu'il est vrai que le Directoire français a donné l’ordre à lord Malmesbury de quitter Paris dans les quarante-huit heures. Il présenta ses propositions très franchement et on lui répondit qu'on n’en écouterait aucune qui fût contraire aux lois et à la Constituüon de la République. J’en conclus que la Prusse devra entrer en campagne au printemps prochain à moins qu'on ne trouve les moyens de changer les vues de cette puissance. Je discute quelque peu avec lui la Constitution française, soutenant un principe avancé par M. Pitt et par lord Grenville, à savoir que loin d'empêcher une cession de territoire par le Directoire, elle lui donne au contraire implicitement mais sûrement ce pouvoir ou l'octroi de pouvoirs généraux dañs lesquels celui-là est clairement compris. Îl tient pour une opinion différente et je découvre à la fin que son opinion est fondée sur cette circonstance que son frère lord Auckland, dans sa brochure, ne fait mention d'aucun pouvoir semblable et semble au contraire adhérer à la doctrine que le Directoire a aflirmée

mL IT, p. 280-2.